Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les spécialistes des taux jugent les marchés obligataires « flamboyants », en cette fin mai. Ils ne font pas référence à une performance à faire pâlir les aficionados du Nasdaq 100 qui enquille son cinquième record d’affilée, et en comptabilise 41 depuis l’investiture de Donald Trump, 55 depuis son élection, pour un gain cumulé de +24% en 6 mois – c’est imbattable ! Ce qui suscite l’enthousiasme sur le marché obligataire, c’est l’appétit des investisseurs. Vous vous doutez qu’il ne s’agit ni de vous, ni de moi, ni de votre caisse de retraite, ni de votre gérant de Sicav surveillé comme le lait sur le feu par l’AMF. Les « investisseurs » en question sont ceux qui recyclent les liquidités présentées chaque matin au guichet de la BCE, de la Bank of Japan (BoJ), de la Bank of England (BoE), et épisodiquement de la Fed (au bas mot 200 Mds$ par mois): ils font preuve d’un appétit irrépressible pour n’importe quel papier qui offre un peu de rendement.
Mais, raisonnons. Qui dit rendement dit, en principe, « risque »… Or les banques centrales ont tellement asséché le marché des signatures sans risque qu’il ne reste que le high yield, l’exotique, le bizarre… et le subprime (notamment automobile) qui fait son grand retour dans les portefeuilles dits « dynamiques ». Dynamiques, oui : une façon clairement hédoniste de qualifier des actifs qui ont toutes les caractéristiques de la dynamite. Tout ce que les emprunteurs proposent comme émissions à la solidité aléatoire trouve preneur… y compris les tranches les moins liquides. Il y a bien sûr des émissions à plusieurs milliards que tout le monde s’arrache (comme celles d’Apple (NASDAQ:AAPL) ou d’Amazon (NASDAQ:AMZN)) mais qui ne rapportent pas grand-chose. Le vrai rendement se prélève sur des corporate (dettes d’entreprises) notées de BBB à B+, voir CCC pour les plus audacieux – et il s’agit le plus souvent de dettes souveraines décotées et en cours de restructuration.
Mais ce n’est pas ce genre de détail qui va arrêter Goldman Sachs (NYSE:GS). « La firme » vient d’acheter pour 2,8 Mds$ (valeur nominale) de dette vénézuélienne au tiers de sa valeur (soit une mise d’environ 850 M$) en pariant sur la chute du régime Maduro et l’instauration d’un gouvernement plus stable qui aura à coeur d’inspirer confiance aux créanciers en honorant les dettes contractées en pleine crise économique, entre 2014 et 2017. Quand la finance mène la politique… [NDLR : encore un des sujets que Philippe décrypte dans son nouveau livre Fake News, offert ici]. Mais revenons-en au marché flamboyant. Il n’est pas impossible que les performances (les plus-values) du marché obligataire (sur les titres) deviennent prochainement ébouriffantes car à la moindre « mauvaise nouvelle », peu importe sa nature, le plus symbolique des arbitrages au détriment des actions provoquera un franchissement immédiat des seuils critiques évoqués plus haut et une « hausse flamboyante » des marchés obligataires.