Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Connaissez-vous la notion d' »esprits animaux » développée par l’économiste John Keynes ? Il l’aborde dans son livre Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ? Dans cet ouvrage, il utilise la notion d' »esprits animaux », afin de décrire les sentiments et les émotions humaines qui influencent le comportement des agents économiques (consommateurs, investisseurs, producteurs, etc.) Spiritus animalis, les « puissances de l’âme »… voilà ce qui meut les marchés ! Lorsque les esprits animaux prennent l’ascendant sur le calcul raisonné, les opérateurs sont mus par des impulsions.
Dans un tel climat, la confiance ressentie (et Donald Trump pense qu’il en est un puissant vecteur) est un déterminant essentiel dans les choix d’investissement et la taille des leviers. Si la confiance s’évapore, des dizaines de milliers de milliards de valeurs boursières, obligataires et immobilières en feront autant. D’où la nécessité de produire en permanence un discours destiné à nous convaincre que tout est sous contrôle et que les banques centrales ajustent en permanence le cap. Keynes souligne que notre lecture des événements économiques est interprétée dans le cadre de « récits » qui viennent justifier et donner une apparence de rationalité à nos actes. Et d’ajouter : « d’une manière générale, toute bulle s’accompagne de la production d’un discours de légitimation des valorisations, aussi absurdes soient-elles ». En 2017, c’est la conviction que plus le rally haussier s’éternise, plus il a de chance de s’inscrire dans la durée.
▶ D’où le danger pourrait-il bien surgir ?
Les marchés savent que la déflagration est inévitable. Mais de quelle longueur est la mèche ?
C’est toute la magie du réveil des « esprits animaux » en cette année 2017. Puisque la mèche brûle depuis 8 ans (contre 6 à 7 en moyenne), c’est qu’elle doit être d’une longueur insoupçonnée… et tout à fait exceptionnelle. Cela pourrait signifier que le cycle de hausse actuel serait de 12 ans et que les indices boursiers, sont partis pour un voyage intergalactique se prolongeant d’ici 2021.
▶ Esprits animaux: l’esprit grégaire des moutons
La ruée des spéculateurs vers la Bourse, c’est le plus fiable marqueur du retour des « esprits animaux ». Contrairement à la bulle des « dot.com », ce ne sont pas des petits porteurs naïfs qui ouvrent des comptes par centaines de milliers chaque mois aux Etats-Unis. Non, ce sont des investisseurs avisés, qui maîtrisent le concept d’algorithmes, de trend, de fluctuation du VIX. Ils sont unanimement convaincus que les actions ont démontré depuis 1 an leur invulnérabilité à n’importe quel facteur exogène perturbant. En effet, les marchés semblent imperméables au Brexit, à l’élection de Trump, à la montée des tensions géopolitiques avec la Corée du Nord, le Moyen-Orient, etc.. Et ce miracle apparent est bien parti pour durer.
▶ Esprits animaux : des bulls comme s’il en pleuvait
En 33 ans de pratique des marchés, je n’ai jamais pu observer un tel degré d’obnubilation haussière. 99,5% de bulls, c’est assez étourdissant, non ? Plutôt que régis par les « esprits animaux » décrits par Keynes, un siècle plus tôt, les marchés ne sont-ils pas parvenus au stade ultime de la bête-ise ? [NDLR : pas envie de faire partie du troupeau ? Retrouvez chaque mois les analyses de Philippe Béchade dans sa lettre confidentielle, pour en savoir plus, cliquez ici]