Je ne sais pas si le véritable sujet d’actualité économique du mercredi 20 septembre fut le communiqué final de la Fed… ou la chute de 4% du VIX. L’indice de la peur retombe à 9,75 et inscrit l’une des 5 clôtures les plus basses depuis sa création, il y a 24 ans, à l’automne 1993.
Il faut souvent un décodeur pour comprendre la « pensée profonde » des membres de la Fed. Avec le VIX, c’est beaucoup plus limpide : tempête de ciel bleu à Wall Street ; pas le moindre soupçon de commencement de bulle boursière, ni ce jeudi, ni mercredi soir après 9 hausses consécutives du Dow Jones et un 42e record historique (22 400 points). D’ailleurs, la (sur)valorisation des actifs financiers n’est jamais évoquée par la Fed dans son communiqué. Wall Street n’y a donc pas davantage réagi qui si Janet Yellen avait annoncé qu’elle remplace le sirop d’érable par du sucre roux sur ses pancakes.
▶ Les anticipations des marchés et celles de la Fed divergent
D’après les « dot plots » (la compilation des anticipations des membres de la Fed), une majorité de ses membres se prononcerait en faveur d’une troisième hausse de taux d’ici fin 2017, plus 3 autres en 2018, de façon à les porter vers 2%.
Il y a tout juste une semaine (juste avant de découvrir la hausse de +0,5% du CPI en août), 80% des experts tablaient sur un statu quo d’ici la fin de l’année et même jusqu’en juin 2018, le temps que le prochain (ou la prochaine) patron (ou patronne) de la Fed prenne ses marques et laisse le temps aux marchés de s’accoutumer à son mode de communication (forward guidances). Autrement dit, il y existe de facto un fort hiatus entre les scénarios de « zéro hausse en 2017 mais deux en 2018 » et la feuille de route implicite dévoilée par Janet Yellen, qui table sur au minimum 4 tours de vis d’ici la fin 2018. Et ce n’est pas la première fois que les anticipations des marchés divergent, et c’est à chaque fois le pari que « la Fed prend tout son temps » qui a payé. Les dot plots se sont systématiquement ajustés aux attentes de Wall Street… qui ne manque jamais d’argument pour justifier le maintien d’une politique monétaire ultra-accommodante.
Wall Street peut compter sur la coopération de deux membres de la Fed qui font aujourd’hui figure de dissidents : James Bullard et Neel Kashkari… Mais le staff de la Fed va être profondément remanié à l’horizon avril 2018 avec 6 nouveaux membres (dont le vice-président et la présidente, voir la deuxième partie de cet article de Jim Rickards) Le communiqué de la Fed a donc été jugé un peu plus « faucon » que prévu, mais pas à cause d’un durcissement de ton relatif à l’inflation ou à une potentielle surchauffe économique : c’est plus subtil que cela, vous allez le constater.
▶ Après moi, le déluge
Les membres de la Fed relativisent l’impact négatif des trois cyclones majeurs qui ont déjà (ou vont) frappé les côtes américaines. Autrement dit, la croissance US va certes être affectée au 4e trimestre, mais pas au point d’entraîner une révision des anticipations à la baisse. Les cyclones pourraient même entraîner un peu plus d’inflation, via les matériaux de construction et une hausse du coût de la main-d’oeuvre qualifiée dans les métiers du bâtiment.
Janet Yellen qualifie par ailleurs de « mystère » le fléchissement des prix au printemps et au début de l’été. A la lumière des derniers chiffres publiés jeudi et vendredi derniers, les perspectives d’inflation sont maintenues et même revues à la hausse… ; la croissance US l’est également, à l’horizon 2019. Cela ne coûte rien de se montrer plus optimiste pour crédibiliser le scénario des 4 hausses de taux d’ici fin 2018, Janet Yellen ne sera plus là pour se voir reprocher son manque de discernement si le PIB connaît un coup de mou au lieu de grimper vers 2,5%.
▶ La Fed va bien (essayer de) réduire son bilan
Pas de surprise en revanche en ce qui concerne la réduction de son bilan – mais c’était un virage stratégique anticipé à l’unanimité par les analystes. La Fed ne fournit aucun calendrier et ne s’interdit nullement de continuer à acheter des produits de taux, des MBS après le mois d’octobre, même si elle s’abstient de le faire quand les marchés lui sembleront suffisamment résilients. Et plus résilient que Wall Street au zénith et enchaînant déjà 8 à 9 hausses consécutives, avec un VIX à 9,75%, franchement je ne vois pas !
Ah si pardon, il y a plus : nous pourrions observer 10, 11 ou 12 hausses d’affilée, un Dow Jones à 23 000, un VIX à 8%. Mais qu’il s’agisse de séries de 6, 9 ou 12, cela n’a pas d’importance et il n’y a plus aucun risque : ce n’est plus un marché. Et sans marché, il n’y a pas de possibilité d’évaluation… Voilà qui clôt la trilogie « l’impossibilité d’une correction, l’impossibilité d’une variation, l’impossibilité d’une évaluation » que nous avons développée en vidéo ces trois derniers jours.