Il y a seulement deux semaines, l'on débattait encore des perspectives pour les marchés actions avec une bonne partie des investisseurs visant les 2.000 points sur l'indice boursier S&P 500.
Maintenant qu'une correction est en cours sur les marchés européen et américain, on se concentre plutôt sur la question suivante : est-ce une opportunité pour mieux acheter les indices boursiers ?
Pour mieux répondre à cette question, qui devrait continuer de préoccuper l'attention des investisseurs sur le court terme, on peut d'abord s'intéresser aux raisons fondamentales qui pourraient déterminer si oui ou non les marchés actions arrêtent de baisser.
D'après une enquête en ligne mené par la chaîne de télévision CNBC, la majorité (44 %) des personnes sondées pense que les risques géopolitiques représentent le facteur le plus probable derrière une forte baisse sur les marchés cet été. 28 % pense que cela sera plutôt dû à des incertitudes concernant les politiques monétaires des banques centrales et 17 % estime que de mauvais résultats des entreprises plomberont les indices. Le reste évoque un autre événement de crédit dont la provenance n'est pas précisée dans le sondage (état souverain ou institution privée ?).
CNBC "Trader Poll"
Source : CBNC
Il est toujours difficile de déterminer les événements futurs qui impacteront les marchés et d'autant plus délicat si l'on s'intéresse à savoir sur quels dossiers fondamentaux les investisseurs se focaliseront le plus. Personnellement, je ne suis pas tout à fait convaincu de l'importance des tensions géopolitiques sur les marchés car nous avons déjà observé des périodes d'incertitude depuis le début de l'année sans qu'elles remettent en cause l'appétence pour le risque sur le moyen terme.
Tant que les investisseurs de long terme considèrent cette correction comme une opportunité pour mieux entrer sur le marché, les indices boursiers pourraient éventuellement stabiliser pour mieux rebondir plus tard. Il faudra donc remettre en question la raison pour laquelle ces investisseurs ont toujours envie d'acheter : les perspectives de croissance.
Les tensions géopolitiques entre la Russie et les pays occidentaux peuvent impacter l'activité économique si les sanctions contre Moscou restent en place durant une période longue. Toutefois, je serais plus convaincu d'une forte chute des marchés boursiers si cela s'explique par une augmentation du risque de crédit sur les marchés financiers. Pour cela, il faudra une intensification des incertitudes par rapport aux bilans des banques commerciales (surtout européennes avec l'AQR de la BCE) soit vis-à-vis de l'efficacité des politiques monétaires des banques centrales.
Tout simplement, il faut un événement suffisamment important et inattendu que la confiance des investisseurs soit secoué de telle sorte qu'ils n'aient plus envie d'acheter les corrections des indices boursiers.
Les 3 actifs à surveiller pour mieux déterminer si la correction des indices se transformera en chute
Ci-dessous, je vous propose quelques graphiques qu'il faut surveiller pour mieux anticiper la poursuite de la correction des marchés boursiers cette année. Un changement d'esprit au niveau des trois actifs financiers évoqué correspondrait fort probablement à une véritable chute des places boursières sur le moyen terme.
Actif 1 : Bons du Trésor américain (10 ans)
Pourquoi surveiller cet actif : lors de périodes caractérisées par l'aversion au risque, les investisseurs recherchent des valeurs dites "refuges" comme les obligations de l'Etat fédéral des Etats-Unis. L'augmentation de la demande pour ces obligations entraîne une hausse des prix et une baisse des rendements. Comme vous pouvez voir sur notre premier graphique, les indices boursiers baissent généralement durant ces périodes.
Il faut donc surveiller le taux à 10 ans aux USA car un nouvel infléchissement baissier de cette échéance se met progressivement en place depuis le début de l'année. Une baisse sous 2,38/40 % devrait correspondre à une forte correction sur les marchés boursiers. Tant que le 10 ans reste stable au-dessus de cette zone, les investisseurs pourraient espérer une reprise des indices boursiers.
Actif 2 : Le Dollar-Yen (USDJPY)
Pourquoi surveiller cet actif : La paire USDJPY affiche une corrélation historiquement positive avec le taux à 10 ans américain. Officiellement, c'est plutôt l'écart entre le 10 ans aux Etats-Unis et au Japon qu'il faut suivre. Mais comme les taux au Japon sont en dessous de 2 % depuis 1999, la corrélation s'explique plutôt via l'évolution du taux américain.
De plus, l'USDJPY est négativement corrélé à l'indice NIKKEI 225. Si l'USDJPY finit par retomber en dessous de 102 JPY et ce pour casser ses plus bas annuels, la Bourse de Tokyo devrait assister à une correction violente qui pourrait faire chuter le NIKKEI 255 de l'ordre de 20 %.
Actif 3 : CBOE Volatility Index
Pourquoi surveiller cet actif : Le VIX, ou "l'indice de la peur", est une mesure de volatilité sur le marché actions américain. Le niveau de l'indice se base sur le calcul de la moyenne des volatilités implicites relevées sur les calls et les puts des options sur le S&P 500 pour les 30 jours à venir.
L'évolution du VIX en temps réel ne constitue pas une information utile aux traders car on sait déjà que le S&P 500 baisse lorsque le VIX monte. Par contre, les niveaux du VIX permettent de mieux apprécier la psychologie des investisseurs comme il indique l'intensité des émotions sur le marché. Sur le graphique ci-dessous, je vous propose mon interprétation des zones d'émotions que l'on peut relever du VIX. De cette analyse, je pense que la correction des indices boursiers devrait s'amplifier si le VIX monte au-dessus de 22.
Ensemble, une baisse du 10 ans américain, une cassure du support de l'USDJPY et une forte poussée du VIX représentent les conditions nécessaires pour que la correction actuelle des indices boursiers se transforme en véritable chute plus tard cette année. Surveiller ces trois actifs pour mieux anticiper la poursuite de la baisse du S&P 500 ou le moment de repasser à l'achat une fois que les tensions se seront apaisées.
Par Adrian Raymond, Analyste de Marché pour DailyFX