L'histoire semble se répéter. J'ai comme une impression de déjà-vu. Nous sommes à la fin des années 2000, en pleine crise financière, et les LBO (Leverage Buy Out, ou AEL en français pour Achat à Effet de Levier) sont sous pression, sérieusement ébranlés même. Pour faire simple, le Leverage Buy Out est une procédure de rachat d'entreprise à l'aide de montages complexes en utilisant un énorme endettement, ce qui permet donc un fort effet de levier. Quand je parle d'endettement énorme, c'est par exemple un ratio de 90/10 (90% de l'achat financé par endettement contre 10% en cash).
Le marché du LBO repart
En 2009, donc, le marché européen du LBO atteignait à peine les 21 Mds€. Mais, très vite, une amélioration du climat économique aidant et des conditions de financement défiant toute concurrence (merci Draghi) remirent la pratique au goût du jour : en 2015, les montants frôlaient les 90 Mds€. Mais, en 2016, tout s'écroule, patatras. Les montants ont reflué de 38%, autour des 55 Mds€ alors que le nombre de transactions est resté relativement similaire (-12% seulement). La raison : les transactions par LBO ont été ralenties au Royaume-Uni, Brexit oblige.
Avec 11 Mds€, comme en 2015, la France ne s'en tire pas trop mal... Mais force est de constater que les critiques à l'égard des LBO sont de plus en plus acerbes. Ils n'ont plus bonne presse.
Mais attention aux opérations ratées : c'est la mort du groupe assurée
Tenez, prenons SoLocal Group (PA:LOCAL) qui se débat avec une dette supérieure à 1 Md€ -- héritage d'une opération de LBO initiée en 2006. A l'époque, la société valait 6 Mds€ en Bourse, mais l'opération de LBO l'a complétement écrasée sous le poids de la dette et, coincée entre un effondrement du marché des annuaires papiers et des versements généreux de dividendes alors que l'activité plongeait, le groupe ne s'en est pas sorti : il pèse désormais moins de 100 M€...
C'est ce que certains spécialistes appellent de la "mauvaise finance". Et il est difficile de leur donner tort.
Que dire également du cas Vivarte ?
Le spécialiste de l'habillement a connu trois LBO successifs dans les années 2000 alors que ses conditions de marché se dégradaient sans cesse.
C'est un peu comme si vous, cher lecteur, vous remboursiez 2 000€ d'emprunt pour votre appartement alors que votre salaire passait brutalement de 6 000€ par mois à 3 000€. Vous imaginez les conséquences financières pour vous et votre famille ?
Dans le cas des LBO ratés, ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les salariés dont les emplois sont menacés car il faut évidemment restructurer le groupe qui n'arrive plus à faire face au poids de sa dette -- comme c'est le cas pour Vivarte où il est question de supprimer de 132 postes sur 217... Ensuite, les actionnaires sont aussi victimes de l'opération ratée, car ils voient la valeur du titre s'effondrer, leurs dividendes suspendus.
Loin de moi l'idée de vouloir supprimer les LBO. Le système a fait ses preuves. Pour autant, une réglementation plus stricte devrait tout de même permettre de contrôler certaines dérives... Aux législateurs issus des urnes de juin 2017 de faire leur job.