Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Vous l’avez lu hier : l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Yémen et l’Egypte annonçaient la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Oui, aujourd’hui, nous allons vous parler un peu plus géopolitique, car ce qu’il se passe actuellement au Moyen-Orient est typiquement le genre de sujet que j’aborde dans mon livre Fake News et dans mes prochaines lettres Béchade Confidentiel. Car vous allez voir qu’au-delà du prétexte de « lutter contre un pays qui soutient le terrorisme », il s’agit, encore une fois, de lutte pour le pouvoir au Proche-Orient.
Explications.
Cette rupture survient une semaine après la visite de Donald Trump à Riyad et la fameuse « danse des sabres », lourde de symbolique guerrière – difficile de n’y voir qu’une coïncidence.
Le prétexte avancé par l’Arabie (le soutien du Qatar au terrorisme et notamment aux mouvances Al-Qaïda, Al Nosra) est évidemment de la com’ à l’attention des Occidentaux. Il existe en réalité un contentieux beaucoup plus ancien et qui a trait au soutien qu’assure le Qatar aux Frères musulmans (hostiles à la famille Saoud, au régime militaire égyptien et sur lesquels s’appuie Erdogan qui souhaite renforcer son influence au Proche-Orient). La goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase, c’est un message (dont l’authenticité est contestée) du prince qatari Al Thani aux dirigeants saoudiens leur conseillant de se montrer plus conciliants avec l’Iran.
Il est fort probable que la brutale rupture des relations diplomatiques (avec expulsion immédiate des personnels qataris des pays riverains) ne soit que le prélude à une tentative de déstabilisation de l’Emirat par des moyens militaires sous 48 heures – le délai accordé aux diplomates qatari pour quitter les ambassades. Une tentative de coup d’état financée et orchestrée par l’Arabie Saoudite s’inscrirait dans la logique d’escalade avec l’Iran, le Qatar étant soupçonné de complaisance avec Téhéran. Une première conclusion s’impose : l’OTAN proche-oriental (qui englobait tous les pays de la péninsule arabique) vient de voler en éclats et la question du terrorisme n’est qu’un écran de fumée de plus destiné à masquer l’enjeu majeur qui est la rivalité Riyad/Téhéran, c’est-à-dire la lutte pour la prédominance du sunnisme ou du chiisme dans la zone.
Le Qatar produisant peu de pétrole (mais beaucoup de gaz), les cours de l’or noir ont étaient finalement très peu volatils lundi, culminant rapidement vers 48,3$ avant de retomber dans le rouge pour finir en repli de -0,7% à 47,3$. Quand nous affirmons que « rien ne fait plus rien » aux marchés, quelle que soit la teneur de l’actualité du jour, nous en avons eu l’éclatante démonstration avec la stagnation surréaliste de Wall Street lundi soir (0,1% de volatilité sur le Dow Jones durant 6 heures pour une clôture en repli de… -0,1%) La recomposition géopolitique du Proche-Orient aurait pu provoquer un stress qui n’a pas eu lieu… comme si la camisole algorithmique imposée à Wall Street avait été appliquée au marché des commodities alors que les voyants passent au rouge dans le Golfe persique. Seul l’or se renforce, sentinelle de la montée des tensions…
La France, bientôt coincée entre deux chaises
Quelle sera l’attitude des dirigeants français en cas de coup d’Etat visant les dirigeants qataris ? Et en cas d’opération militaire visant à annexer l’Emirat, qui dénonce une tentative de « mise sous tutelle » ? En cas de renversement du prince Al Thani, ce serait un des plus gros investisseurs en France et au Royaume-Uni (via le fonds souverain qatari) qui disparaîtrait de l’échiquier du Proche-Orient, soudain privé de la corne d’abondance gazière… sans parler du patrimoine immobilier détenu en France, et de façon plus anecdotique du PSG. La diplomatie française pourrait donc se retrouver en situation très inconfortable… mais les marchés financiers également si le fonds souverain du Qatar devait, pour une raison ou une autre, liquider une partie de ses actifs pour faire face à une situation (politique et/ou militaire) tendue.