Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Difficile de ne pas être frappé par le creusement des disparités de croissance et de créations d’emplois entre les Etats-Unis et la France. Si l’on veut bien sûr faire abstraction (on ne le peut pas, évidemment !) des 900 Mds$ de déficits supplémentaires accumulés par l’Oncle Sam depuis le début de l’exercice budgétaire 2017/2018 il y a 11 mois.
Les Etats-Unis affichent une croissance du PIB de 4,2%, tandis que l’Hexagone est au mieux sur une trajectoire de 1,4 à 1,5% (les 1,7% visés par Bercy et l’Elysée à fin 2018 semblent inatteignables), et le taux de chômage américain semble durablement installé sous les 4%.
Il a de surcroît de bonnes chances de rester à ce niveau puisque d’après l’enquête du Département américain du Travail, le nombre d’ouvertures d’emploi a crû de 1,7% en juillet à 6,9 millions, un niveau sans précédent depuis le début du XXIe siècle (et depuis le sommet de la bulle des « dot.com »).
Il convient néanmoins de contrebalancer ce chiffre avec une donnée importante : 3,6 millions de personnes ont cessé de travailler au cours de la même période pour cause de démission… ce qui in fine témoigne du dynamisme fondamental du marché du travail puisque la majorité des gens qui quittent leur emploi le font parce que de meilleures rémunérations leur sont proposées ailleurs.
Pour autant, ces hausses de salaires qui font bouger les lignes sont-elles si substantielles et si répandues que le prévoient les « modèles » dans le cadre d’une situation de plein emploi ? En y regardant de plus près, les surenchères sont concentrées sur quelques niches : les conducteurs de camions-citernes au Texas, les électriciens et les charpentiers grâce à la bulle immobilière, les spécialistes de la blockchain et de l’intelligence artificielle…
Les salaires sont en revanche loin de flamber pour les fonctions administratives et « supports », dans l’hôtellerie, la restauration ou encore dans la distribution (y compris l’e-commerce). Ils seront même gelés sur décision de Donald Trump dans l’administration et la fonction publique (excepté pour l’armée).
▶ Les créations d’emplois privés ont été divisées par deux au deuxième trimestre
En France, les salaires stagnent et de nombreux postes restent non-pourvus en raison de leur manque d’attractivité… notamment pécuniaire. La trajectoire du marché de l’emploi est plus décevante encore puisque les créations nettes de postes dans le secteur privé au deuxième trimestre 2018 ont été divisées par deux par rapport à la période janvier-mars à 24 300 (48 800 au premier trimestre, ce qui n’était déjà pas fameux).
Souvenons-nous également que les Etats-Unis ont créé 223 000 emplois au mois de mai, soit près de 10 fois plus que la France en trois mois…
Le ralentissement dans l’Hexagone est en fait général, affectant à la fois l’emploi industriel et les services marchands. Plus surprenant, l’activité du secteur intérimaire, un des indicateurs avancés d’une accélération ou d’un déclin de la conjoncture, s’est légèrement contractée, une première depuis 2014.
Alors bien sûr, les Etats-Unis financent leur croissance – et les emplois qui en découlent – au prix d’un creusement abyssal des déficits, et il est plus facile dans ces conditions de faire la course en tête… Sauf que la France creuse elle aussi son déficit, tout en subissant un effondrement du momentum de sa croissance.
Au bout du compte, dans un cas comme dans l’autre, les deux modèles vont droit dans le mur: aux Etats-Unis, c’est avec un moteur boursier en surchauffe, des pneus qui crissent et un concert de klaxons ; en France, c’est à un rythme d’enterrement…
Du coup, c’est peut-être notre pays qui a les meilleures chances de survie en cas de krach !