Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Deux informations allant d’ailleurs plus ou moins dans le même sens ont retenu mon attention hier. Tout d’abord, la perspective d’un nouveau soutien de la BCE au secteur bancaire que mon confrère Gilles Leclerc a évoquée dans ces colonnes et dans l’un de ces plans de trade dont il a le secret. Ensuite, l’annonce par la BaFin (équivalent allemand de l’AMF) d’une interdiction pure et simple des ventes à découvert sur le titre Wirecard pour une durée de deux mois.
Cette décision rare a été motivée par la pression boursière que subit la fintech allemande depuis trois semaines (le rectangle bleu clair), sur fond de soupçons de fraudes comptables à Singapour.
Elle a permis au titre de bondir de quelque 15% hier (il s’adjuge encore près de 9% ce mardi matin à Francfort). Pas du luxe pour un groupe qui, malgré les démentis et les recours engagés le mois dernier, a vu sa capitalisation boursière fondre de quelque 32% au cours des six derniers mois. Un décrochage qui s’explique par le nombre croissant de positions en vente à découvert sur le titre.
Le soutien des institutions, un signal préoccupant
D’aucuns se demanderont peut-être quel est le point commun entre l’éventuel recours aux TLTRO et le veto de la BaFin. Eh bien figurez-vous que la dernière fois que des configurations comparables se sont présentées, nous étions en pleine crise. Soit celle des subprimes en 2008/2009, soit celle de la dette dans l’eurozone au début des années 2010. Ce n’est évidemment pas anodin…
Dans le cas de Wirecard, proscrire les ventes à découvert en plein ralentissement économique de la zone euro (et en premier lieu de sa première puissance, l’Allemagne) n’est potentiellement pas dénué de logique. Dans celui du secteur bancaire, les tensions autour de certaines banques italiennes ces derniers mois (certains établissements transalpins ont également fait l’objet de bannissements des short sellers l’an dernier) ne sont là non plus pas sans me rappeler certaines affaires qui ont mal tourné (Dexia est par exemple dans toutes les mémoires).
Surtout, j’ai encore en tête que ce type d’annonces, que ce soit lors de la crise des subprimes, ou au début des années 2010, s’était au bout du compte soldé par un effet pervers, avec certes des achats originellement (comme pour Wirecard hier donc), mais in fine un retour de la pression vendeuse. Une pression n’émanant pas ou plus des vendeurs à découvert – qui, eux, ne détiennent pas de titre en physique et sont dans tous les cas prohibés -, mais bien d’actionnaires finissant par revendre leurs participations en se disant qu’il y a potentiellement anguille sous roche…
Dans ce genre de situation, je me suis toujours posé la question suivante : pourquoi venir mettre à mal les règles de l’offre et de la demande (l’essence même du fonctionnement des marchés financiers) supposées refléter à un instant « T » le prix objectif d’un actif financier ?
Reste l’essentiel, et le plus préoccupant : si les situations sont évidemment différentes sur le fond (entre le secteur bancaire dans son ensemble et un acteur unique de la fintech allemande), le fait que la nécessité d’un soutien des institutions se fasse à nouveau sentir dans un cas comme dans l’autre ne me semble pas un signal très engageant pour les prochains mois…