Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
D’ici une semaine, Poutine refusera les achats de gaz et de pétrole en euro et en dollar, en acceptant seulement le rouble… Comment les Européens, qui ne possèdent pas cette monnaie, vont-ils parvenir à se procurer ces ressources ?
Emmanuel Macron a affirmé quelques heures avant l’arrivée de Joe Biden au G7 (avant sa visite en Pologne, donc au plus près de l’Ukraine) que l’Europe n’infligerait pas de nouvelles sanctions à la Russie (et il ne reste plus a priori que la carte de l’embargo sur le pétrole sibérien, car pour le gaz, il n’existe pas d’alternative).
Les marchés redoutent cependant que les Etats-Unis maintiennent la pression en ce sens, même si Joe Biden avait affirmé la semaine dernière qu’il ne contraindrait aucun allié européen à appliquer un embargo sur l’énergie importée de Russie.
Une décision problématique pour les pays européens
Mais Vladimir Poutine a pris tout le monde de court en refusant d’ici une semaine les achats de gaz et de pétrole en euro et en dollar, en acceptant seulement le rouble – une devise que les pays européens ne possèdent pas. Cela va leur compliquer la tâche, pour se procurer ces ressources, puisque les avoirs de la banque centrale russe en Europe sont gelés.
Pourquoi cette dernière ferait-elle un effort pour procurer sa devise à des acheteurs qualifiés « d’hostiles » ? Et par quel canal, puisqu’il ne reste qu’une poignée de banques – évidemment aux ordres du Kremlin – encore autorisées à effectuer des transactions en Europe ?
L’Allemagne affirme, de son côté, que le changement de la devise permettant de régler ses achats de gaz vaut rupture du contrat.
Cela tombe au plus mauvais moment puisque les réserves (le plus souvent souterraines) de l’Europe sont au plus bas de la décennie, probablement autour ou en dessous des 25% quand l’optimal en cette saison devrait se situer entre 60 et 70% (et 90% d’ici la fin de l’été).
Si la Russie cesse ses livraisons, comment l’Allemagne, l’Autriche ou l’Italie vont-elles faire tourner leurs usines ? Et l’Italie a déclaré qu’elle ne paierait pas en rouble… donc chez qui va-t-elle trouver son gaz et à quel prix ?
Enfin, il convient de rappeler qu’une bonne partie du diesel consommé en Europe de l’ouest – et en France – est produit et raffiné en Russie : un maintien de l’approvisionnement est vital pour nos agriculteurs et nos transporteurs.
Là encore, il n’est pas certain que nos stocks soient à des niveaux optimaux, et pas certain non plus que cela nous permette de tenir jusqu’à l’automne et les moissons de maïs.
La question du paiement en rouble ne se pose pas encore pour le pétrole russe, mais le risque d’embargo en cas d’escalade des tensions autour du conflit ukrainien est bien réel, Emmanuel Macron l’a bien précisé si la situation devenait « critique », ce qu’elle n’est pas pour l’instant.
Comment a réagi le Brent ?
En ce qui concerne le pétrole Brent, qui a bondi vers 121 $ après l’annonce de Vladimir Poutine, il venait déjà de reprendre +15% en cinq séances, avant d’en afficher 6% de plus ce mercredi et +2% ce jeudi, passant de 114,5 $ à 123 $.
La hausse de la veille était en partie due à la fermeture d’installations d’Aramco (SE:2222), visées par des tirs de missiles Houthis depuis le Yémen. Une tempête au Nigeria a également ralenti la production offshore… et, pour en terminer avec la loi des séries, les stocks hebdomadaires de « brut » américains ont fondu de 2,5 millions de barils, bien plus que prévu.
D’un point de vue technique, c’est un retour vers les 125,5 $ de fin mars 2012, puis les 130 $ des 7, 8 et 9 mars, qui semble se profiler à court terme.
Au-delà, c’est un cauchemar pour l’économie européenne avec un retour sur les sommets de début juillet 2008, soit 145 $… Mais avec un euro à 1,100 $ au lieu de 1,600 $ à l’époque, cela reviendrait à payer 190 $, contre l’équivalent de 159 $ ce 24 mars.