Difficultés à agir en trading

Publié le 13/01/2017 13:53

Impulsivité, impatience, esprit de revanche, il existe d’innombrables facteurs pour lesquelles un trader peut rentrer trop souvent en position. Ces sujets sont souvent étudiés, commentés et analysés car ils sont communs et récurrents. Aujourd’hui, c’est l’extrême opposé qui m’intéresse.

Paralysie devant l’écran, hésitation, peur de rentrer en position ; ce phénomène, moins répandu n’est toutefois pas une vue de l’esprit ; certains traders ont une vraie douleur à rentrer en position et puisque c’est assez rare, ce sujet n’est pas souvent traité sur le net. Alors, je monte sur mon cheval blanc et je vais essayer d’apporter des éléments de réponses.

Au niveau pragmatique et opérationnel tout d’abord, il y a une question de base :

Avez-vous un système de travail opérationnel ?

Si vous n’avez pas de stratégie et que votre personnalité vous incite à rechercher la sécurité (ce qui n’est pas un frein en soi pour réussir) ; il est normal d’avoir des difficultés à rentrer en position. Vous avez conscience qu’entrer en position expose votre capital et vous n’avez pas réponse concrète à apporter à ce risque . Vous manquez donc d’assurance et de confiance.

Avant de travailler sur votre comportement, il convient donc d’apprendre à utiliser un système ( le votre ou un autre) , de le tester en démo, de faire votre œil et votre expérience ; bref il faut du travail et de l’expérience pour poser les bases de votre compétence.

Là où la réponse devient psychologique et comportementale, c’est lorsque vous avez un système, testé, maitrisé, digne de confiance et que malgré ça, il y a une vraie douleur à rentrer en position.

Voyons ici, à la lumière des différents « étages de conscience », des couches successives d’évolution cérébrale, les raisons possibles à ces blocages.

Territoire reptilien :

Ce niveau très archaïque répond à la question « suis-je en danger ?». Si aucun danger n’est observé, il n’intervient pas. Par contre ,s’il observe un danger, il déclenche un signal d’alarme, le stress, qui revêt 3 formes : la fuite, la lutte, l’inhibition.

Le réflexe mis en cause ici est l’inhibition : dans le milieu animal, pour faire simple, c’est la proie qui « fait le mort » en espérant désintéresser le prédateur.

Pour l’homme, ce réflexe est évidemment plus complexe.

Symptômes du réflexe d’inhibition :

« J’y arriverai jamais, je suis nul ». Vous êtes découragé, vous avez envie de disparaître, vous êtes fataliste. Vous ne parvenez pas à agir, vous êtes complètement tétanisé face à la station. Vous ne pouvez même plus toucher la souris, vous attendez. Aucune décision ne peut être prise lorsque vous êtes dans cet état. Vous êtes bloqués. Vous observez une configuration de marché, vous voyez que cela correspond à votre stratégie mais vous ne pouvez vous résoudre à rentrer en position. Vous vous sentez fatigué, dépassé, apathique. Vous avez l’impression de devoir déplacer une montagne.

Territoire paléo-limbique :

L’homme est un animal social, il vit en groupe . Il y a donc des lois implicites qui régulent la place de chacun dans le groupe. C’est ce que l’on appelle l’instinct grégaire. Pour que le groupe soit en ordre, chacun se place instinctivement sur 2 axes : l’axe de la confiance en soi (rapports de dominance et de soumission) ; l’axe de la confiance dans les autres ( intégration ou marginalité, autrement dit confiance d’emblée en l’autre ou méfiance)

Sur la question du jour, c’est surtout l’axe de la confiance en soi qui va intervenir. Un individu qui se situe dans la dominance pense avoir plus de droits que de devoirs , et à l’opposé, un individu dans la soumission pense avoir plus de devoirs que de droits. Ce positionnement est très inconscient ; et la difficulté, c’est de reconnaître consciemment notre niveau de dominance ou de soumission.

Un individu dans la soumission peut avoir des difficultés à se donner le droit de prendre sa place sur les marchés et surtout, le droit de gagner de l’argent sur les marchés.

Une prise de conscience de cet aspect peut aider alors la personne à sortir de ce positionnement en trading, et à réfléchir à un autre niveau de conscience, mettant temporairement sa soumission de coté.

Le niveau de dominance ou de soumission de chacun est fixe, on ne peut pas le changer. Par contre, ce n’est pas forcement ce niveau décisionnel qui intervient. La personne qui se retrouverait bloquée en trading à cause de son instinct grégaire peut assez facilement sortir de cette zone décisionnelle.

Symptôme du positionnement « soumis » :

L’auto-diagnostic est assez délicat à ce niveau car le positionnement crée une vision déformée de la réalité. Une personne « en soumission » aura tendance à penser qu’elle se donne beaucoup (trop) de droits et pas assez de devoirs. Nous avons donc assez régulièrement une vision inversée.

Pour s’auto-évaluer, il faut rester factuel et prendre une grande distance pour passer dans l’observation et non le ressenti. Lorsqu’il se passe ceci, je réagis d’instinct comme cela…

Territoire néo-limbique :

Ce niveau gère beaucoup de choses : notre personnalité, nos savoirs automatiques (marcher, conduire, lire…), nos motivations intrinsèques.

Notre personnalité globale est le mariage de plusieurs facteurs :

– Le niveau de l’empreinte :

Personnalité primaire (j’aime, j’ai du plaisir à faire ceci, à être comme ça , sans avoir besoin de résultat probant) ; personnalité secondaire (il faut être comme ci, c’est bien de faire ça ; avec un plaisir conditionné à un bon résultat)

– Les 8 facettes de personnalités :

Nous possédons tous plusieurs facettes sur les 2 niveaux d’empreinte.

Pour faire court, il y a une facette de personnalité plus facilement sujette à ce problème : Le gestionnaire ; voici une petite description de cette facette :

Particulièrement attirée par l’ordre et la sécurité ; elle développe un vrai rapport à la matière et au concret et peut entretenir une relation affective avec des objets, importants pour elle. Ayant le sens de l’espace, elle s’épanouit dans son cocon, ou , par extension, dans son domaine d’activité. Son besoin de maitrise lui confère de grandes qualités de précision, c’est un être méticuleux, qui aime l’exactitude et la routine de manière générale. Le gestionnaire a aussi un sens de l’efficacité qui lui est propre : un maximum d’effets pour un minimum d’efforts, c’est un professionnel opérant et précis. Son besoin de limites et sa pratique mesurée lui permettent de développer un bon contrôle sur lui-même ; c’est un être sobre et calme. Son gout pour le risque est très limité et il privilégie les situations cadrées et claires. Perfectionniste, il peut exceller dans son domaine de prédilection.

– Les motivations intrinsèques :

Pour faire simple, c’est le carburant que l’on met dans notre moteur pour avancer. A ce niveau, les motivations peuvent être les suivantes :

Plaisir de faire (j’attends rien d’autre) , plaisir du résultat ( je fais pour avoir un bon résultat) et aversion à ne pas obtenir ( je fais pour ne pas échouer).

Dans notre culture, l’aversion à ne pas obtenir est forte et cela génère du stress , qui nous ramène vers le territoire reptilien, et si l’individu a un réflexe d’inhibition, son aversion à ne pas obtenir peut devenir paralysante.

Demandez-vous : Pourquoi j’agis ? Quelle est ma motivation ?

- Est-ce que j’opère sur les marchés parce que j’aime ça, analyser un marché, attendre la bonne configuration, rentrer et gérer ma position ?

– Est-ce que j’opère parce je veux un résultat ? Certes, j’aime opérer, mais j’attends aussi de gagner pour un autre but que l’argent, parce que gagner m’aide à me sentir plus fort, plus libre, plus intelligent etc…

– Est-ce que j’opère avec la peur, l’idée insupportable d’échouer sur ma position. J’ai du plaisir, mais j’ai aussi de l’angoisse à l’idée de perdre de l’argent, de la confiance, de l’estime de soi. Je déteste tellement perdre que je fais mon possible pour m’en protéger.

Évidemment, cette dernière motivation engendre de l’angoisse, et donc augmente considérablement le risque de perdre sur les marchés : c’est un cercle vicieux qui s’auto alimente tant que le trader n’y met pas consciemment un terme.

– Une liberté perdue :

Ici , c’est le « blanc mental » : au moment d’opérer, il ne se passe rien dans votre tête, votre centre décisionnel est automatiquement mis sur « pause » ; un mécanisme intérieur vous éjecte de la situation : vous avez perdu le droit d’opérer !

Nous sommes plusieurs à l’intérieur de nous. Je dis bien « plusieurs » et non « pluriel » ! Plusieurs car les différentes forces ou facettes qui s’opposent sont parfois très différentes et n’ont rien a voir les unes avec les autres. Imaginez donc un groupe entier, où chacun donne son avis.

Il se peut qu’une de ces facettes, on va l’appeler Martine, pour une raison qui lui appartient, « coupe la lumière » au moment de rentrer en position. Toutes les autres facettes veulent y aller, crient leur colère et leur exaspération mais rien n’y fait, la lumière est éteinte, et ne se rallumera que lorsque Martine en aura décidé ainsi.

Calmer la peur de Martine, l’aider a reconquérir plus de liberté permettra donc au trader d’opérer, de fonctionner.

Territoire pré-frontal :

Si les territoires précédents peuvent aider à expliquer le blocage, celui ci est le seul qui apporte réellement des solutions.

Le territoire pré-frontal est la zone analytique, les circuits neuronaux y sont bien plus nombreux qu’ailleurs. C’est une zone qui ne stocke aucune information, elle n’a donc aucun parti pris et elle est peu parasitée par l’expérience, les idées reçues, les peurs ou les croyances.

Son job, c’est de collecter les informations externes (il se passe ceci) et internes ( je sais, j’aime , je n’aime pas cela), de les analyser, et d’apporter une solution plutôt « impartiale » et peu émotionnelle.

Sans entrainement ou pratique délibérée, cette zone n’est pas souvent utilisée. C’est plus souvent la partie limbique qui réagis, car c’est elle au fond qui a les commandes, et si nous n'éduquons pas notre limbique à utiliser les capacités du préfrontal ; il se contente d’apporter les réponses toutes faites qu’il a en magasin : c’est rapide, simple, il ne complique pas la vie !

En « passant en mode préfrontal » , le trader va sortir de son implication émotionnelle. L’émotion (peur ou colère …) est prise en compte comme une information parmi d’autres, mais elle n’impacte plus directement la décision prise par le trader.

Exemple : J’ai une bonne configuration de marché pour utiliser cette stratégie, avec ce degrés d’exposition et cette politique de risque. J’ai peur que cela fasse une perte, je vais donc réduire mon exposition pour mieux gérer ma peur, et je rentre tout de même en position car la configuration est bonne.

Le territoire PF ne nie pas l’émotion, il la voit, la reconnait et prend en compte cette information. Voila pourquoi seul ce territoire peut apporter des réponses à ce type de problème.

Apprendre à mieux utiliser le PF, c’est tout un travail.

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