Les investisseurs qui n’ont pas suivi les conseils des « experts » ont eu raison ces dernières années.
Depuis les trois (ou quatre) derniers mois de janvier, les prévisions des « spécialistes » étaient remarquablement constantes : l’inflation allait augmenter, les taux d’intérêt remonter et les porteurs d’obligations subir de lourdes pertes. Sur le papier, le raisonnement tenait la route. Dans la réalité, les choses ne sont pas vraiment déroulées comme prévu.
En fait, c’est exactement le contraire qui s’est passé : l’inflation a ralenti, les taux d’intérêt ont baissé et les détenteurs d’obligations ont enregistré de belles plus-values sur leurs investissements.
« Les prévisions anticipaient une reprise économique normale aux Etats-Unis après une récession », explique Jonathan Mackay, senior Markets Strategist chez Morgan Stanley Wealth Management. Cela se traduit en principe par une remontée des rendements des emprunts américains à 10 ans à 4 ou 5%. Ils tournent actuellement autour des 2%.
« Ce scénario apocalyptique d’une nette remontée des taux ne s’est pas produit. Le rythme de la reprise économique américaine a été plus lent que prévu. Or le rendement des emprunts suit la croissance économique », ajoute Mackay.
En outre, les Américains paient plus cher que d’autres pays (européens) au bilan économique moins flatteur, lorsqu’ils veulent emprunter sur le marché obligataire. C’est contraire à la logique.
« La confusion chez les gens est totale » estime Heather Loomis, directeur Fixed Income chez JP Morgan Private Bank.
Evolution des taux américains
Pour 2015, les prévisionnistes anticipent une hausse des taux de la Fed avec en corollaire une progression des rendements des Treasuries vers 3%. Cette année pourrait même marquer le retour du lien historique entre les taux du Trésor à 10 ans et le produit intérieur brut non ajustés de l'inflation estiment certains. « C’est l’essentiel du débat pour 2015 » souligne Chris Dillon, gestionnaire d’un portefeuille obligataire chez T. Rowe Price.
Mais ce qui se passe sur la scène mondiale fragilise et complexifie ce scénario. Par exemple, la baisse des prix du pétrole est positive pour la consommation américaine (70% du PIB) puisqu’elle renforce le pouvoir d’achat des ménages. A l’inverse, la chute des cours de l’or noir menace la rentabilité et la solvabilité des entreprises du secteur pétrolier et gazier et donc la croissance économique.
L’hypothèse d’une remontée des taux longs américains n’est toutefois pas partagée par tout le monde. Jonathan Mackay (Morgan Stanley) estime que la Réserve fédérale américaine ne devrait pas relever ses taux avant 2016. Plutôt que de se concentrer sur l’évolution de la courbe des rendements des bons du Trésor américain (risque taux), mieux vaut se concentrer sur le risque crédit, en se positionnant par exemple sur des obligations à rendement élevé, précise-t-il.
« Je vous dis que les taux vont rester bas pour un long moment, plus longtemps que ce que l’on pense » martèle de son côté John E. Lekas, senior portfolio manager du Leader Capital Total Return Fund. Il se déclare fort inquiet du risque de déflation, comme semble l’anticiper le marché des matières premières, des devises et des obligations du Trésor américain.