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Un monde à l’envers

Publié le 27/07/2018 13:37

La semaine surréaliste qui vient de s’écouler fut la parfaite illustration de la nouvelle ère dans laquelle nous sommes entrés, celle d’un monde sans repères où les anciennes alliances n’ont plus cours.

Le principal responsable de ce bouleversement est bien sûr, Donald Trump, qui se comporte de plus en plus comme un éléphant dans un jeu de quilles. Ces derniers jours, on a assisté au spectacle étonnant d’un président des Etats-Unis accusant ses alliés traditionnels d’êtres ses principaux adversaires puis, dans la foulée, accordant sa confiance à son ennemi historique en mettant en doute les conclusions de ses propres services de renseignements.

Chemin faisant, on a appris qu’il avait conseillé à Theresa May de poursuivre l’Union européenne en justice; Theresa May à laquelle il préfère ouvertement le pro-Brexit Boris Johnson, ce qui pour la première ministre britannique, fragilisée à l’extrême par les déchirements du parti conservateur, constitue une sorte de baiser de la mort.

Il a également laissé entendre à Theresa May qu’un éventuel accord commercial avec les Etats-Unis serait remis en question si le Royaume-Uni restait à l’intérieur du marché unique et de l’Union douanière pour ce qui concerne la circulation des marchandises, comme le propose le Livre blanc britannique. En mettant dans la balance les avantages d’un accord bilatéral, Trump pèse ainsi de tout son poids pour que le Royaume-Uni rompe définitivement avec l’UE.

“America first” et tout le reste est secondaire

Ce n’est pas tout! A Bruxelles, on l’a vu menacer de quitter l’Otan, dont il est le principal pilier, si d’autres Etats membres ne payaient pas leur quote-part. On l’a vu accuser l’Allemagne d’Angela Merkel d’être “prisonnière de la Russie” du fait de sa dépendance aux approvisionnements de gaz russe et qu’elle était donc mal placée pour exiger des Etats-Unis qu’ils la protègent contre une menace russe. Ce qui n’est pas faux mais demande à être relativisé (40% du gaz consommé en Allemagne vient de Russie mais cette quantité ne représente que 10% du mix énergétique allemand).

Point d’orgue de sa tournée européenne, il n’a pas hésité, aux côtés de Vladimir Poutine, à attribuer aux précédentes administrations américaines la responsabilité des mauvaises relations entre les Etats-Unis et la Russie. En revanche, il n’a pas dit un mot sur l’annexion de la Crimée, l’intervention russe dans le Donbass, les bombardements massifs en Syrie et les tentatives de déstabilisation russes en Europe. Last but not least, il a accordé à Poutine le bénéfice du doute quant à l’ingérence (pourtant avérée) des services russes dans les élections américaines.

Cela fait beaucoup! Même en faisant la part des choses, même en estimant que Trump recourt souvent au bluff pour faire monter les enchères et que le tribun populiste qui flatte sur twitter les instincts de sa base électorale ne coïncide pas nécessairement avec le responsable qui prend des décisions dans le bureau ovale, on ne peut pas manquer d’êre totalement déboussolé par le cours actuel des choses. Or, même si le climat économique est favorable, - on peut même parler de véritable boom aux Etats-Unis (plus de 4% de croissance, ce trimestre) - rien n’inquiète davantage les entreprises et les investisseurs que cette ère d’instabilité permanente.

Une stratégie du choc

Pourquoi cette remise en question des équilibres traditionnels? Trump veut bousculer l’ordre mondial que les Etats-Unis avaient pourtant largement contribué à mettre en place parce que, pense-t-il, celui-ci ne correspond plus aux intérêts américains. En favorisant la création des grandes institutions et organisations multinationales, de l’Otan à l’OMC, les Etats-Unis avaient largement gagné au change. Ce n’est plus le cas. “Nous ne pouvons pas continuer à laisser d'autres pays profiter de nous”… déclare-t-il régulièrement. “Nous sommes devenus la tirelire que tout le monde pille”.

En d’autres termes, Trump veut remettre les compteurs à zéro, rééquilibrer les échanges ou comme il le dit, retrouver “a level playing field”, un monde où à ses yeux, la compétition doit se jouer à armes égales. C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis ne veulent plus être liés par les accords multinationaux qui les désavantagent et préfèrent désormais conclure des accords bilatéraux qu’ils peuvent mieux contrôler.

Au niveau économique, la montée du protectionnisme américain constitue donc le principal facteur d’inquiétude. Bien que les hausses actuelles des droits de douane ne représentent qu’une goutte d’eau par rapport à l’ensemble des échanges internationaux, les mesures unilatérales américaines imposées par voie de décret présidentiel (executive order) suivies de représailles européennes et chinoises peuvent parfaitement dégénérer en guerre tarifaire généralisée.

Apaisement en vue sur le commerce Etats-Unis - Europe?

Pour l’heure, le département américain du commerce se penche sur la situation des importations automobiles, un secteur où le déséquilibre en défaveur de l’industrie américaine est criant. Les droits de douane s’élèvent à 10% dans l’UE à comparer avec les 3,5% en vigueur aux Etats-Unis. Pour une voiture exportée, on compte 4 voitures importées aux Etats-Unis (dont des voitures de marques américaines fabriquées au Mexique et au Canada). En 2017, les Etats-Unis ont importé des voitures étrangères pour une valeur de 192 milliards d’euros, 58 milliards provenant de l’UE. C’est dire si une augmentation de 20 ou de 25% sur les prix catalogue d’une VW, d’une Renault (PA:RENA) ou d’une Mercedes risquerait de porter un coup sévère aux économies européennes.

D’ici un mois, le département du commerce livrera son verdict mais l’administration Trump brandit déjà la menace d’une hausse tarifaire de 20 ou 25% sur les véhicules et les pièces détachées. Cette semaine, Jean-Claude Juncker est à Washington pour tenter de calmer le jeu et négocier un compromis. Une solution consisterait à diminuer de part et d’autre les droits de douane sur les véhicules. Cet accord serait ensuite étendu à tous les constructeurs (membres de l’OMC) en vertu de la clause de la nation la plus favorisée.

Une autre option serait d’éliminer les droits de douane entre l’UE et les Etats-Unis sur tous les produits industriels – en particulier les véhicules. Forte de ses 640.000 voitures importées en 2017, l’Allemagne est la plus désireuse d’aboutir à un accord. Bien sûr, tout accord devra être ratifié par les 28 (ou 27) pays européens, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. En attendant, la Commission européenne a pris ses précautions en dressant une liste de 20 milliards d’euros de produits américains à taxer au cas où Trump mettrait ses mesures tarifaires à exécution.

Aux dernières nouvelles, on vient d’apprendre que Trump et Juncker sont tombés d’accord pour explorer la voie d’une élimination complète des droits de douane ainsi que d’autres barrières aux importations. En guise d’amorce aux négociations, le représentant de l’UE s’est engagé à acheter du soja et du gaz naturel américain et a demandé aux Américains de renoncer à taxer les importations d’aluminium et d’acier. La guerre commerciale entre les Etats-Unis et l’Europe est donc remise à plus tard.

La Chine en ligne de mire

Le bras de fer avec la Chine s’annonce, lui, beaucoup plus rude et complexe car d’une part Trump a menacé de taxer à hauteur de 10% la totalité des importations chinoises (aux alentours de 500 milliards). Les Chinois ont, quant à eux, riposté en menaçant “d’adopter une combinaison de mesures quantitatives et qualitatives”. Et le déficit de la balance commerciale n’est que la partie émergée du contentieux américano-chinois car le problème des transferts de technologies et du non-respect de la propriété intellectuelle est bien plus crucial.

Ne pouvant rivaliser avec les Américains sur les droits de douane, car elle importe quatre fois moins qu’elle n’exporte, la Chine peut s’orienter vers d’autres types de représailles, comme celle de s’en prendre directement aux entreprises américaines implantées en Chine. Dans un pays autocratique comme la Chine, il suffirait d’un mot d’ordre du pouvoir pour décourager les consommateurs d’aller grignoter leur burger chez McDo. La Chine peut également peser sur sa devise pour annuler en partie les retombées négatives des tarifs et l’on constate en effet que le yuan a perdu plus de 6% depuis mars-avril vis-à-vis du dollar.

Les républicains aux abonnés absents

Au sein du parti républicain, on commence à rechigner contre cette surenchère tarifaire. Les républicains ont toujours été partisans du libre-échange et craignent à juste titre un retour de bâton aux Etats-Unis, notamment une hausse des prix qui toucherait le consommateur et le priverait d’une partie du pouvoir d’achat libéré par la baisse des impôts.

Plusieurs études affirment que les Etats-Unis ont le plus à perdre en cas de guerre commerciale. De grandes entreprises américaines comme GM, Coca Cola et Whirlpool, qui possèdent des usines hors Etats-Unis, ont déclaré que la hausse tarifaire sur l’acier et l’aluminium allait rogner leurs profits. Le FMI a calculé qu’une guerre tarifaire coûterait 0,5% de croissance aux économies mondiales. Et Trump vient de décider d’injecter une aide d’urgence de 12 milliards USD dans l’agriculture américaine, laquelle commence à ressentir les retombées des représailles européennes, canadiennes et chinoises.

Ceci dit, il est peu probable que le parti républicain s’insurge contre la Maison Blanche. Les élections de mi-mandat ont lieu le 6 novembre et les républicains ont tout à perdre d’une confrontation avec Trump. Historiquement, le parti d’opposition perd 35 sièges en moyenne à la chambre de représentants lors des élections de mi-mandat et il suffirait d’une vingtaine de sièges pour que le parti démocrate contrôle la chambre basse et soit en mesure de paralyser la politique de la Maison Blanche. Et comme un certain nombre de sondages l’a encore confirmé, la loyauté des électeurs républicains à l’égard de Trump est intacte. Près de 70% d’entre eux approuvent l’attitude de Trump à l’égard de Poutine et de la Russie.

Lui seul, avec sa personnalité hors norme, est capable de fédérer cet électorat. Par conséquent, les républicains ne bougeront pas et Trump poursuivra son bras de fer au nom de la protection des intérêts américains, en veillant toutefois à ce que l’américain moyen ne subisse pas les retombées négatives de sa politique. Pour l’heure, Trump compte surtout sur les bonnes performances économiques pour éviter une défaite électorale. Jusqu’en novembre, ça sera donc “business as usual”. Ou plutôt, “business as unusual”.

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