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Interview du Gouverneur dans « les Échos », 17 septembre 2012

Par Banque de France20/09/2012 18:06
 

Christian Noyer « il fallait absolument découpler le risque souverain du risque bancaire »

Les rachats de dette souveraine annoncés par la BCE et le feu vert de la Cour de Karlsruhe au
mécanisme européen de sauvetage sont-ils un tournant dans la crise européenne ?
Ces annonces ont été bien accueillies par les marchés et l'horizon apparaît aujourd'hui beaucoup plus
dégagé. Le mécanisme européen de sauvetage est un élément clef de renforcement de la cohésion de la zone euro et témoigne de la pérennité et de l'irréversibilité de l'euro. Il va permettre d'aider les
économies fragilisées à retrouver compétitivité et croissance. La décision du Conseil des gouverneurs
de racheter sous condition des titres de dette des Etats est de nature à rassurer pour au moins trois
raisons : les rachats sont potentiellement illimités de façon à arrêter la spéculation sur le risque
supposé d'éclatement de la zone euro ; la forte conditionnalité préalable doit contraindre les pays à
persévérer dans leurs efforts de redressement budgétaire ; enfin, ces rachats entrent totalement dans le
cadre du mandat de la BCE, puisqu'il s'agit d'interventions sur le marché secondaire qui ont pour
objectif de restaurer une bonne transmission de la politique monétaire à l'économie réelle.

La BCE a rempli sa mission. Que doivent faire les politiques ?
Les Etats de la zone euro ont besoin de restaurer leur crédibilité et ils se sont déjà attelés à la tâche.
Les uns ont dû mettre en place des plans d'austérité et d'autres, de façon moins brutale, engagent des
réformes structurelles et poursuivent la réduction de leur déficit public. C'est le cas de la France.
Même si ses efforts paraissent modérés par rapport à ceux d'autres pays, ils sont nécessaires car il en
va de notre crédibilité sur les marchés.

Bruxelles a présenté son projet de supervision bancaire européenne. Est-il conforme à vos
attentes ?
Oui, il est conforme à ce que je souhaitais. Les développements de la crise financière ont montré une
des fragilités de l'Europe : le lien entre risque bancaire et risque souverain. Après la faillite de Lehman
Brothers, les Etats ont soutenu leurs systèmes bancaires et, de ce fait, établi une connexion entre
système bancaire et risque souverain, ce qui perturbe les effets de la politique monétaire. Quand la
crise de la dette de la zone euro a éclaté, les conditions de refinancement des banques ont été corrélées au risque souverain avec les conséquences qu'on connaît dans les pays en difficulté. Le haut montant de liquidités fournies par l'Eurosystème a réduit cet effet, mais le coût des ressources est resté très élevé dans certains pays. Il fallait donc absolument découpler le risque souverain du risque bancaire. L'union bancaire européenne est le gage d'une union monétaire plus solide.

L'Allemagne a manifesté des doutes sur le schéma retenu, notamment sur le nombre de banques
couvertes par la BCE. Cela pourrait-il constituer une menace à l'avenir ?
Le projet implique un transfert de souveraineté des Etats vers la Banque centrale européenne, ce qui a
toujours été le souhait de l'Allemagne. Quant à la question du périmètre couvert par la BCE, il n'y
avait pas d'hésitation possible, il fallait couvrir toutes les banques. Les problèmes viennent souvent des
petites ou moyennes banques, comme on l'a vu en Irlande ou en Espagne. Si l'on veut être crédible vis-
à-vis des marchés, il faut couvrir tout le spectre.

Concrètement, comment les tâches seront réparties entre les superviseurs nationaux et la BCE ?
La responsabilité juridique de la supervision sera transférée à la BCE mais, dans la pratique, les
superviseurs nationaux resteront les acteurs du contrôle des banques au jour le jour. C'est en fait un
dispositif qui ressemblera à celui de l'Eurosystème : sous l'autorité du Conseil des gouverneurs, le
comité de supervision réunissant la BCE et les responsables des superviseurs nationaux, coordonnera
les actions de supervision et la répartition des tâches avec les superviseurs nationaux. Concrètement, la
BCE aura la main sur les décisions majeures de la surveillance prudentielle : appréciation du niveau
des fonds propres au regard des risques pris, respect de la réglementation... Je souhaite également que
la BCE ait des pouvoirs de décision pour traiter les cas des banques en difficulté.

Des questions subsistent sur l'articulation des pouvoirs entre la BCE et l'Autorité bancaire
européenne (ABE)...
La répartition des rôles me semble pourtant assez claire : l'ABE est le régulateur européen des
banques. Elle fixe les normes et les standards prudentiels, et s'assure qu'ils sont appliqués ; la BCE
sera le superviseur des banques de la zone euro. Les modalités de gouvernance de l'ABE doivent être
ajustées à la marge, comme le propose la Commission pour tenir compte de l'union bancaire. Les
Britanniques n'ont rien à craindre de la création d'un superviseur unique pour la zone euro.

Qu'est-ce qui aurait changé si le système de supervision européen avait été en place, par exemple
pour le CIF ?
Techniquement, pas grand-chose. C'est la Banque centrale européenne et non l'Autorité de contrôle
prudentiel française qui aurait exigé un renforcement des fonds propres. Mais il ne faut pas s'y
tromper, la supervision bancaire n'est pas une assurance tout risque. Dans le cas du CIF, nous
connaissions bien sa fragilité liée à un refinancement devenu plus incertain et savions qu'il existait des
risques de liquidité à plus long terme. Le CIF est le cas typique où la réaction d'une agence de notation
a accéléré la révélation de la fragilité des financements.

La responsabilité de cette situation en revient à Moody's ?
Non, la responsabilité première est celle de son management, qui n'a pas su trouver une solution
d'adossement lorsque c'était possible et que nous le lui avons demandé.

Avez-vous manqué de pouvoir de coercition dans ce cas ?
Oui, certainement. Nous avons de très grands pouvoirs lorsqu'un établissement ne respecte pas la
réglementation, mais nous ne disposons pas de pouvoirs permettant de prévenir une crise. Aujourd'hui, nous pouvons nommer des administrateurs provisoires s'il le faut ou retirer un agrément, mais nous
n'avons pas de pouvoir de résolution qui nous permettrait d'imposer la restructuration d'un groupe ou
des transferts d'actifs. Nous avions travaillé à un texte avant le début des travaux européens, mais nous
avons sous-estimé les délais nécessaires pour disposer d'un texte européen. Je le regrette un peu car
cela nous aurait été utile.

Le secteur bancaire français est-il encore suffisamment solide ?
En fait, les banques françaises sont de plus en plus résilientes car elles réduisent leurs risques et
augmentent leurs fonds propres. La réduction des risques résulte de la cession d'activités, souvent à
l'étranger, et d'une révision à la baisse de certaines activités de marché ; l'augmentation de leurs fonds
propres traduit la mise en réserve de résultats qui restent importants grâce, en particulier, à une bonne
résistance de la banque de détail malgré le ralentissement économique. Leur ratio de fonds propres
durs a crû de 0,5 point sur le deuxième trimestre et elles ont dépassé l'objectif de l'ABE. En matière de
liquidité, elles ont très bien géré le retrait des fonds monétaires américains l'an dernier en ajustant leurs
actifs, ainsi que le rééquilibrage de leurs portefeuilles d'obligations souveraines. Cela prouve que le
modèle de banque universelle, dès qu'il s'accompagne d'un modèle interne solide, fonctionne bien.

Vous restez opposé à la séparation des activités de marché et de détail ?
Ce principe de la séparation des activités, je n'en comprends absolument pas l'intérêt. La seule chose
que je souhaite est l'interdiction pure et simple des activités spéculatives et des contrôles internes
renforcés sur les risques liés aux activités de marché. Pour le reste, les banques doivent pouvoir
accompagner leurs clients, qu'ils soient particuliers, entreprises ou institutions, dans toutes les
opérations, sur les marchés obligataires, le change, les opérations de couverture, créer des produits
d'épargne. Pour toutes ces raisons-là, je ne comprends pas bien le concept de séparation, alors que je
comprends celui d'arrêt de la spéculation.

Alors que les faillites se poursuivent, les banques ont obtenu un assouplissement de leurs
contraintes de liquidité en Bâle III. N'est-ce pas paradoxal ?
Il n'est pas question de cela. Nous avons toujours considéré qu'il fallait un ratio de liquidité - et
d'ailleurs nous appliquons nos règles nationales depuis de nombreuses années, ce qui n'est pas le cas
partout. Mais le projet avait été bouclé trop vite et il a fallu y retravailler. Nous devons aboutir à un
juste équilibre entre une régulation stricte et le soutien au financement de l'économie.

Mais le calendrier sera décalé ?
Oui, je suis partisan de le décaler un peu, si nécessaire, pour que les grands arbitrages soient menés et
laisser dans la mise en oeuvre plus de temps aux banques pour s'adapter aux nouvelles normes.

Faut-il que les banques portent moins de dette souveraine ?
Les banques doivent faciliter le financement de l'économie ; dans cette perspective, elles n'ont pas à
détenir massivement des dettes souveraines même si ce sont des actifs liquides qui sont précieux dans
le cadre d'une gestion actif-passif. Mais la concentration excessive des actifs liquides sur les dettes souveraines dans le calcul du ratio de liquidité peut se heurter à des difficultés soit quand le souverain
a subi des dégradations de notes importantes, soit, au contraire, lorsque le pays est peu endetté, comme en Australie ou en Suisse.

La contrainte de liquidité à long terme, le NSFR, va-t-elle finir par être abandonnée ?
Nous allons retravailler dessus à compter de l'année prochaine.

Les normes de Solvabilité II pour les assureurs doivent-elles aussi être repoussées ?
Nous avons un problème particulier sur les branches longues (assurance-vie, responsabilité civile,
construction). Conçu avant la crise, ce système de normes, qui fait varier les actifs en portefeuille
selon leur valeur de marché, n'est pas adapté à un contexte de forte volatilité comme on l'a connu ces
cinq dernières années. Il faut donc se reposer la question fondamentale : les hypothèses de base de
Solvabilité II sont-elles les bonnes ? Et chercher à réduire la volatilité en s'approchant de la réalité
économique. Là encore, il importe de ne pas arrêter trop vite des règles dont l'impact peut être très
important mais n'a pas été totalement mesuré en période de crise. Je pense que l'on gagnerait à suivre
pendant quelques années « à blanc » plusieurs solutions techniques avant d'arrêter les règles
définitives. En tout état de cause, je recommande aux assureurs français de poursuivre leur préparation
pour être prêts techniquement en 2014 comme si le texte allait entrer normalement en vigueur.

Le plan de suppression de postes que vous venez d'annoncer pour la Banque de France est-il
suffisant comparé aux effectifs d'autres banques centrales ?
Les accusations sur les effectifs prétendument pléthoriques de la Banque de France m'exaspèrent. Elles se fondent sur des comparaisons internationales stupides car d'autres banques centrales - comme la Banque d'Angleterre -n'impriment pas elles-mêmes leurs billets, n'abritent pas (encore) le superviseur bancaire ou n'assument pas des missions comme la gestion du surendettement, confiée par la loi. Plus de 200.000 dossiers à traiter par an ce n'est pas rien ! Nous avons déjà effectué un effort important ces dernières années puisque nos effectifs ont été réduits de près de 20 % en dix ans. Et nous allons le poursuivre, mais cela se fonde sur une analyse fine de nos activités et nécessite des investissements importants pour gagner en productivité. Notre plan de marche est ambitieux mais adapté aux réalités de nos missions et respectueux de nos agents.

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