Mesdames, Messieurs,
J’ai souhaité adresser aujourd’hui mes vœux très sincères de bonne année à chacun d’entre vous, à vos collaborateurs, ainsi qu’à vos institutions.
Nous sommes dans une période de crise et 2012 sera, à n’en pas douter, une année pleine de défis. Peut-être plus que jamais, la Banque de France compte sur la Place dans son ensemble pour les relever et contribuer au bon fonctionnement de l’économie française: nous y veillerons et nous vous y aiderons.
La décision qui vient d’intervenir d’une des principales agences de notation à l’égard des pays de la zone euro constitue évidemment un défi supplémentaire. La stratégie des Etats-membres me paraît pourtant la bonne. Elle repose sur trois volets indissociables : des actions fortes de redressement des finances publiques, avec des mesures de consolidation progressives comme les réformes des retraites ; des réformes structurelles pour renforcer la croissance potentielle et la compétitivité ; une réforme de la gouvernance pour que ces différentes actions soient maintenues résolument dans la durée. La BCE et plus généralement l’Eurosystème continueront, pour leur part, leur action déterminée pour contrer les évolutions anormales de marché et assurer la meilleure transmission possible de la politique monétaire.
Je vois trois enjeux principaux pour l’année qui vient :
- continuer d’assurer le bon financement de l’économie
- maîtriser les risques et s’adapter aux nouvelles réglementations
- promouvoir la Place de Paris
Assurer le bon financement de l’économie
D’abord, le bon financement de l’économie constitue indéniablement une des clés pour l’activité en 2012. En France, l’accès au crédit bancaire est essentiel, plus encore que chez d’autres pays européens. Il est donc impératif que les établissements de crédit fassent preuve d’un dynamisme résolu dans l’octroi des prêts, en particulier vers les TPE, PME et entreprises de taille intermédiaire qui n’ont quasiment pas d’accès direct au marché.
Je sais combien l’environnement est complexe pour vous : les marchés ont été très nerveux, vous avez dû faire face à des restrictions de financement en dollar et vous devez vous adapter à des réformes réglementaires importantes. Mais je vous engage à ne pas céder à la tentation de la restriction. Elle ne ferait que créer des difficultés aux entreprises, freiner la consommation, et rapidement miner la qualité
même de vos engagements et de vos risques.
Je vous invite tout particulièrement à ne pas être en retard dans la couverture des besoins des entreprises. Une attitude trop précautionneuse des banques dans l’accès au crédit ne pourrait conduire qu’à une détérioration de la situation économique et donc à une montée des risques alors que c’est justement cela que vous cherchez à éviter. Les banques sont au cœur même du financement de l’économie et des États. C’est votre rôle fondamental.
Vous avez été les premiers à souffrir de la défiance des marchés et vous êtes aujourd’hui les mieux placés pour aider au retour de la confiance. Vous devez participer au cercle vertueux qui ramène la confiance. Je compte donc sur vous pour veiller à ce que les encours de crédits ne se réduisent pas au cours des premiers mois de 2012, tout particulièrement ceux de trésorerie en
faveur des PME qui peuvent avoir grand besoin de ce soutien pour passer ce début d’année moins facile que l’année dernière.
La Banque de France, l’Eurosystème, et toutes les grandes banques centrales du monde vous soutiennent dans votre action au service du bon financement de l’économie. C’est aussi pour cette raison que mes attentes à cet égard sont aussi élevées.
La communauté des banques centrales a diminué, le 30 novembre dernier, le coût des liquidités qu’elles accordent par le biais des facilités en dollar. La BCE a baisséle principal taux directeur, de 1,5% à 1,25% en novembre 2011 puis à 1% en décembre 2011. A la suite de la réapparition de fortes tensions sur les marchés durant l’été, l’Eurosystème a en outre pris des décisions très fortes, qui visent à
renforcer les positions de liquidité des banques, tant à court terme qu’à moyen et long terme.
Pour ce qui est des besoins de court terme, nous avons prolongé jusqu’en juillet 2012, au minimum, les procédures d’appels d’offres à taux fixe avec service intégral des soumissions. et nous avons réduit le ratio de réserves obligatoires de 2 à 1% à compter du 18 janvier 2012, ce qui libère environ 100 milliards d’euros de liquidité à l’échelle de la zone euro, dont 20 milliards pour le système bancaire français ;
Pour ce qui est des besoins de moyen et long terme :
nous avons d’abord décidé la réactivation du programme d’achat d’obligations bancaires sécurisées ;nous avons ensuite mis en place, pour la première fois, des opérations de refinancement à trois ans. La première de ces opérations a eu lieu le 21 décembre dernier et a permis à 523 établissements d’emprunter 489 milliards d’euros. C’est une opération d’une ampleur inédite. Elle devrait permettre de couvrir une bonne partie des besoins de financement des banques et surtout d’assurer le soutien bancaire à notre économie.
Par ailleurs, notre décision d’assouplir les critères d’éligibilité du collatéral aux opérations de refinancement montre également notre ferme résolution à soutenir le financement de l’économie.
Certaines catégories d’ABS – ceux dont les actifs sous-jacents sont des crédits immobiliers ou des prêts aux PME-, ont vu leur éligibilité élargie à des notations moins élevées ;
de plus, nous souhaitons promouvoir l’usage des créances privées comme collatéral des opérations de refinancement. Outre l’encouragement délivré par le Conseil des Gouverneurs d’utiliser plus systématiquement ce type de collatéral; il sera possible d’assouplir, temporairement, les règles d’éligibilité de ces créances, au risque de chaque BCN, et selon des modalités qui sont en cours de définition : ouverture à des créances en dollars, abaissement de la
notation minimale exigée afin d’aller jusqu’à une probabilité de défaut de 1 % à1 an, prise en compte des crédits immobiliers résidentiels…. Bien évidemment cet élargissement se fera de manière prudente avec des haircuts adaptés.
Je tiens à souligner que la Banque de France a été très active dans la préparation de toutes ces décisions et continuera à l’être en 2012. Elle a par ailleurs, au-delà des initiatives mises en œuvre au niveau de l’Eurosystème, initié en 2011 une réflexion autour de la titrisation des «petites» créances privées (c'est-à-dire d’un montant inférieur à 500 000€), en étroite collaboration avec le Groupe Infrastructures de
Place (GIP). Elle sera complétée en 2012 par une réflexion sur le développement de l’utilisation des créances privées dans les financements de marché, sous forme de repo.
Maîtriser les risques et s’adapter aux nouvelles réglementations
Le deuxième grand enjeu pour 2012 est à mon sens la bonne adaptation des banques et des assurances aux nouvelles réglementations. L’Autorité de Contrôle prudentiel suivra ces évolutions de manière rapprochée; il est certain que les marchés s’y intéresseront aussi beaucoup.
Pour les banques, le 30 juin 2012 sera un rendez-vous important. Elles devront àcette date afficher un ratio « Core Tier One » de 9%, conformément à ce qu’a exigé l’Autorité Bancaire Européenne fin 2011. Pour les quatre banques françaises soumises à l’exercice – BNP Paribas, Groupe BPCE, Groupe Crédit Agricole et Société Générale ; le besoin total en fonds propres supplémentaires a été évalué à
7,3 milliards d’euros, à comparer par exemple aux 50 milliards d’euro de fonds propres supplémentaires accumulés depuis la fin 2008. Je considère qu’elles sont bien armées pour le faire, en s’appuyant notamment sur leur capacité interne à générer des fonds propres par mise en réserve des résultats et par une politique adéquate de distribution des dividendes.
Vous avez d’ores et déjà, contrairement à vos homologues américains, intégré les nouveaux ratios de Bâle 2.5 qui renforcent significativement les exigences en fonds propres au titre des risques de marché - en moyenne une multiplication par 3. Le renforcement des fonds propres devra se poursuivre au-delà de ces exercices dans la perspective du passage à Bâle III.
Cette année, vous ferez également porter vos efforts sur les autres évolutions réglementaires, concernant notamment la gestion de la liquidité ainsi que la gouvernance d’entreprise. Il ne fait aucun doute que, dans ce dernier domaine, l’exemplarité des comportements en matière de rémunérations et la rigueur dans la gestion des risques demeurent des objectifs essentiels.
Pour les assurances, le défi s’appelle « Solvabilité 2 ». En 2011, la cinquième étude d’impact a confirmé la solidité d’ensemble du marché français et sa capacité à passer dans de bonnes conditions aux nouvelles normes. La préparation doit maintenant aller crescendo. Les organismes entrant dans la phase opérationnelle de mise en œuvre, il s’agit, après avoir identifié l’ensemble des informations nécessaires avec le niveau de granularité adapté, de préparer les chaînes de
traitement de manière à assurer la fiabilité des données et la piste d’audit.
Dans le cadre du pilier 2, la définition et la formalisation des procédures doivent également être menées à bien. De même, l’adaptation de la gouvernance et le renforcement de l’intégration de la gestion des risques dans l’organisation générale doivent être résolument poursuivis.
Par ailleurs, je veux attirer votre attention sur différents risques que nous
surveillerons particulièrement cette année. D’abord, en 2012, établissements de crédit et organismes d’assurances devront faire
preuve de prudence dans leur recherche de ressources clientèle.
En 2011, j’avais appelé l’attention des établissements de la Place, par l’intermédiaire de la Fédération bancaire française, sur les conditions de la concurrence à laquelle certains se livraient en matière de collecte de dépôts de la clientèle. Cette tendance avait en effet conduit certains établissements à faire la promotion d’offres de rémunération des dépôts à des conditions qui apparaissaient parfois sensiblement déconnectées des taux de marché. Une telle divergence pourrait être de nature à
affaiblir les effets attendus de notre politique monétaire sur le coût du crédit et serait également susceptible de peser sur la stabilité d’ensemble du système bancaire.
A l’occasion de ces vœux, je souhaite donc appeler à nouveau fermement les établissements de la Place à faire preuve d’une grande responsabilité dans la mise en œuvre des mesures qu’ils prennent pour se préparer aux prochaines normes internationales de liquidité. Il est important que chaque établissement tienne dûment compte des conditions de marché dans la fixation des conditions de rémunération
des ressources collectées auprès de sa clientèle.
De la même façon, s’il est vrai que l’on a constaté, au cours des derniers mois de 2011, une décollecte en assurance-vie, qui reste néanmoins le produit d’épargne préféré des français, je rappelle qu’une trop forte revalorisation des contrats au regard du rendement des actifs ne saurait être une réponse à une telle évolution. Il convient aussi d’appeler à la prudence et à éviter de s’engager sur des taux de rémunération garantis qui ne reflèteraient pas la rentabilité raisonnablement prévisible des actifs en support des contrats en Euros.
J’attire par ailleurs l’attention des assureurs sur le fait que, plus que jamais, ils doivent veiller à la bonne gouvernance de leur gestion d’actifs et à mener une politique d’investissement en ligne avec leurs passifs. Même si les portefeuilles sont globalement de bonne qualité et que le secteur de l’assurance français demeure globalement résilient - notamment l’assurance de biens et l’assurance santé, qui sont
dynamiques -, plusieurs éléments rendent l’environnement difficile. Notamment une possible nouvelle baisse des plus-values latentes sur les placements en 2011 ou les taux d’intérêt bas depuis le début de la crise, globalement pénalisants à long terme pour l’assurance-vie. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de maintenir une politique d’investissement diversifiée, incluant de la dette souveraine de bonne
qualité comme d’autres actifs, en gardant à l’esprit que les avantages de la diversification seront pris en compte lors de la détermination des risques de marchésous Solvabilité .
Au niveau du passif, le phénomène de décollecte en assurance-vie intervient dans un contexte de tensions sur la liquidité dans le système bancaire. L’ACP sera particulièrement vigilante à ce que les évolutions qui pourraient intervenir, notamment au sein des bancassureurs, ne fassent pas courir de risques accrus à la stabilité du système financier français.
Promouvoir la Place de Paris
Je voudrais terminer ces vœux en insistant sur le fait que, malgré ou peut être même à cause de la complexité de l’environnement auquel vous êtes confrontés, il me paraît important que vous preniez aussi en compte dans vos décisions la dimension collective et le soutien de la Place de Paris. Une Place forte et dynamique constitue à n’en pas douter un atout pour vos établissements.
Paris dispose de domaines d’excellence qui n’ont rien à envier à Londres ou à Francfort. C’est le cas en particulier de notre marché actions et des activités associées, telles que la conservation des titres ou la gestion de fonds dans lesquels les banques françaises sont leader au plan européen. Il faut espérer qu’une éventuelle taxe sur les transactions financières n’affectera pas cette excellence.
Deux éléments me paraissent essentiels à cet égard : d’abord, la réflexion doit être évidemment européenne ; deuxièmement, le projet actuel de la Commission soulève de très nombreux problèmes qui méritent un examen approfondi.
Le soutien de la Place passe notamment par celui des infrastructures de marché qui doivent être à la fois fortes, efficaces et couvrir un large spectre d’activités. Je crois que la détermination des objectifs et de la stratégie des infrastructures ne peut être laissée aux seuls responsables opérationnels. Les institutions financières qui en sont les utilisateurs, et le plus souvent les actionnaires, doivent jouer un rôle déterminant
dans leur gouvernance. Ceci implique que vous soyez prêts à mobiliser vos meilleures compétences dans les différents domaines concernés et sans doute aussi à agir si cela paraît opportun au niveau capitalistique. On peut observer que de tels efforts sont déployés à Londres ou à Francfort.
Je voudrais citer trois domaines auxquels les établissements de la Place me semblent devoir accorder une attention toute particulière.
C’est d’abord celui des marchés actions en euro qui, quelle que soit l’issue du projet en cours entre Nyse Euronext et Deutsche Börse, devraient rester pilotés depuis Paris en cohérence avec la tradition d’excellence que la Place a toujours su démontrer dans ce domaine.
C’est ensuite celui de notre chambre de compensation LCH.Clearnet qui a démontré sa capacité à faire face aux chocs résultant de la crise financière et qui dispose des atouts nécessaires pour développer ses activités dans ses domaines d’excellence.
Son rôle doit être conforté. En particulier la compensation des dérivés de crédit (CSD) qui a été lancée en 2010 par Clearnet va pouvoir dans les prochains mois
connaître des développements très significatifs suite à l’agrément obtenu au mois de septembre des autorités britanniques et celui attendu des autorités américaines (CFTC).
Enfin, le troisième domaine est celui de la gestion du collatéral et du développement du marché du repo en euro. Je voudrais rappeler le lancement récent à Paris de services de gestion tripartite du collatéral, pour les opérations de pensions livrées en euro, avec ou sans recours à une contrepartie centrale. Développés dans le cadre d’un projet de place, qui associe la Banque de France, Euroclear France, Clearnet
et les banques, ces services doivent permettre une gestion efficiente et sûre des garanties tout en facilitant les arbitrages dans la gestion du collatéral entre le refinancement auprès de l’Eurosystème et le placement sur le marché. La mise en œuvre prochaine de Target2 Securities (T2S), pour lequel le support de la Place a été sans faille, devrait donner encore plus d’intérêt à ce dispositif tripartite en facilitant la circulation des titres et donc en augmentant la profondeur du gisement - ce qui me paraît revêtir une importance toute particulière dans le contexte actuel.
***
Vous le savez, l’année 2012 va être une année décisive. Je compte sur vous, mes attentes sont grandes ; mais vous pouvez aussi compter sur la Banque de France pour servir au mieux, ensemble, notre cause commune : la bonne santé de notre économie.
Je vous renouvelle tous mes vœux.
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