par Gilbert Reilhac
STRASBOURG (Reuters) - A Strasbourg, la tour Elithis Danube, qui culmine à 56 mètres au bord d’anciens bassins portuaires, se distingue autant par son allure de périscope, pointant vers le nord un large hublot sommital, que par ses performances énergétiques.
Avec une production d’électricité photovoltaïque de 90,3 kilowatts/heure d’énergie primaire par mètre carré et par an (kWhep/m2.an), pour une consommation de 80,8 kWhep/m2.an, elle est la première tour d’habitation au monde à énergie positive réalisée aux prix du marché.
"Aujourd’hui, les collectivités locales ont du mal à faire bâtir des constructions à haute performance énergétique parce qu’on leur dit que ça coûte plus cher. Nous démontrons que ce n’est pas le cas", a déclaré à Reuters Thierry Bièvre, PDG d’Elithis, le cabinet d’ingénierie qui a conçu le projet avec l'agence d'architecture X-Tu.
Le coût brut du bâtiment, livré en février, atteint 1.355 euros hors taxe le mètre carré en surface hors œuvre nette (la surface des planchers) et le prix net, coût du foncier et taxes compris, approche les 20 millions d’euros, soit 3.870 euros le mètre carré de surface utile rapportés aux 809 mètres carrés de bureaux et aux 4.364 m2 de surface habitable des 63 logements.
Par comparaison, le mètre carré atteint 4.700 euros le mètre carré dans les Black Swans, un ensemble de trois tours d’habitations aux normes RT 2012 (bâtiments basse consommation) qui viennent d’être érigées sur un terrain adjacent.
Il s’agit là toutefois du prix de vente par appartement quand la tour Danube reste propriété d’une société créée pour l’exploiter par son concepteur et ses financeurs, Elithis, Caisse des dépôts et Crédit agricole (PA:CAGR).
Le projet a bénéficié de 5,85 millions d’euros de l’Etat au titre des Investissements d’avenir, dont 5,7 apportés en capital à la société porteuse via la Caisse des dépôts.
PASSER A LA PHASE INDUSTRIELLE
Pour obtenir les meilleures performances énergétiques, le bâtiment joue sur l’isolation – 20 centimètres de laine de verre sur ses parois - mais également sur la conception bioclimatique. Il est effilé au Nord pour limiter les surfaces et l’impact du vent tandis qu’il offre au Sud de larges baies vitrées que des stores à lamelles peuvent occulter l’été.
Plus de 1.200 m2 de cellules photovoltaïques habillent toits et façades, celles de la façade Sud formant une mosaïque de carrés de verre qui filtrent la lumière.
Bien que le bâtiment soit supposé produire 112% de ses besoins en énergie, chauffage compris – celui-ci est assuré par le réseau de chaleur de la ville -, la facture ne sera pas nécessairement nulle pour les locataires, les kilowatts étant vendus au réseau moins cher qu’ils ne sont achetés.
Elithis évalue le coût à 79 euros par an pour un trois pièces de 69 mètres carrés. Un reste à charge que l’entreprise justifie par une volonté de pédagogie.
"Il aurait été facile et peu coûteux de combler les quelques kWh et euros qui nous séparent du zéro réel", dit-elle dans son argumentaire, en jugeant préférable de laisser l’usager "réaliser lui-même cette économie à sa portée".
Pour l’aider dans cette démarche, Elithis a conçu un assistant domotique et numérique baptisé Aladhun qui prodigue conseils et alertes via une tablette fixée au mur et une application en ligne.
Les ménages les plus vertueux pourront obtenir un "bonus" si leur consommation descend sous des valeurs de référence.
"Pour moi qui ai 72 ans, la tablette c’est un peu compliqué", juge Christiane, néanmoins satisfaite de son deux pièces du 11e étage qu’elle paye 700 euros par mois, charges incluses, soit le tarif du vieil appartement qu’elle occupait auparavant dans un quartier bruyant.
"Mais en été, si vous ne pensez pas à aérer la nuit ou si vous oubliez de fermer les lamelles dans la journée, vous n’arrivez plus à faire sortir la chaleur à cause de l’isolation", prévient-elle.
Après la tour Danube, qui succède à une tour de bureaux à énergie positive qu’elle avait inaugurée en 2009 à Dijon, l’entreprise veut généraliser le concept. "Nous voulons passer à la phase ‘industrielle’ et nous voulons que d’autres entreprises nous copient", affirme Thierry Bièvre.
(Edité par Yves Clarisse)