La justice européenne a donné tort à l'Etat, qui demandait le report du remboursement par la SNCM d'aides publiques, une décision relativisée par la compagnie qui espère décrocher la semaine prochaine la délégation de service public pour assurer les liaisons entre Marseille et la Corse.
Saisie par son concurrent italien Corsica Ferries, la Commission européenne avait sommé début mai la France de se faire rembourser par la SNCM, d'ici la fin août, 220 millions d'euros, jugeant illégales les compensations perçues de 2007 à 2013 pour le "service complémentaire" de la desserte de l'île (renforcement des lignes en haute saison).
Le gouvernement réagissait aussitôt en annonçant le dépôt d'un sursis à exécution que le tribunal de l'UE, siégeant à Luxembourg, vient de rejeter.
"Il convient de relever que la décision attaquée n'impose aucune obligation directe à la SNCM (...). C'est à la République française, seule destinataire de la décision attaquée, qu'il appartient d'exiger la restitution, par la SNCM, des prétendues aides d'Etat et d'annuler lesdits versements", souligne la juridiction dans une ordonnance transmise vendredi à l'AFP.
"Ainsi, aussi longtemps que les autorités françaises n'auront pris aucune mesure juridiquement contraignante (...), le risque d'une liquidation de la SNCM ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l'octroi du sursis à exécution sollicité", argue-t-elle.
Par ailleurs, ajoute le tribunal, "à supposer que les autorités françaises aient déjà adopté de telles mesures", il existe "des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre contre les mesures de recouvrement au niveau national".
Contactée par l'AFP, la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) a relativisé cette décision. "Ce n'est pas une surprise ni un coup de tonnerre supplémentaire", a commenté Me Sébastien Mabile, un des avocats de la compagnie qui ne s'était pas associé à la démarche de l'Etat, ce genre de demande aboutissant "de manière rarissime", précise-t-il.
L'entreprise a en revanche déposé, tout comme les autorités françaises, un recours en annulation devant le tribunal de première instance de l'Union européenne, lequel ne s'est pas encore prononcé.
"La question du remboursement des 220 millions d'euros ne se pose pas de manière directe, ni dans les prochains jours ni dans les prochains mois, et entre-temps nous avons espoir que notre recours au fond soit jugé et que la décision soit annulée", a expliqué Me Mabile.
"Détermination" du gouvernement
De son côté, le gouvernement a assuré qu'il continuerait à "utiliser l'ensemble des moyens juridiques pour contester la décision de la Commission européenne", estimant que le service complémentaire répondait à "un besoin réel de service public" et était subventionné "de façon objective et transparente".
"Ma détermination reste inchangée pour préserver l'emploi et une desserte maritime de la Corse garantissant le principe de continuité territoriale, essentielle pour la vitalité économique de ce territoire", a déclaré le ministre des Transports Frédéric Cuvillier.
La SNCM, qui a accusé en 2012 14 millions d'euros de pertes pour un chiffre d'affaires d'environ 300 millions, est en pleine restructuration: l'Etat et Veolia, ses deux actionnaires principaux, ont validé en juin un plan prévoyant la suppression de plus de 500 postes sur quelque 2.600 personnes, et le renouvellement des navires de la compagnie (neuf actuellement).
Autre incertitude pesant sur son avenir, l'examen par l'exécutif européen, toujours à l'initiative de Corsica, d'un ensemble de mesures de soutien d'environ 230 millions d'euros, liées à la restructuration et à la privatisation de l'ancienne compagnie publique, entre 2002 et 2006.
L'entreprise place tous ses espoirs dans l'attribution de la nouvelle délégation de service public pour la liaison entre Marseille et les six ports de Corse de 2014 à 2023. La décision de l'Assemblée territoriale de Corse est attendue le 6 septembre.
Aujourd'hui détenue à 66% par Transdev, une coentreprise fondée par Veolia et la Caisse des dépôts (CDC), la SNCM doit passer sous le contrôle du seul Veolia, déjà aux commandes opérationnelles, le reste du capital étant aux mains de l'Etat (25%) et des salariés (9%). Une opération repoussée au 31 octobre.