Le clivage droite-gauche a repris le dessus jeudi à l'Assemblée lors du vote de la baisse d'impôt sur le revenu et d'un mécanisme anti-abus sur l'ISF, tranchant avec le climat de la veille où le gouvernement a été désavoué par sa majorité sur deux mesures controversées.
Au troisième jour de débat budgétaire dans l'hémicycle, les députés ont voté en première lecture l'une des mesures phares du dernier projet de loi de finances du quinquennat, la baisse d'un milliard d'euros de l'impôt sur le revenu.
Sept millions de foyers fiscaux devraient en bénéficier pour un gain moyen de 154 euros, selon Bercy.
Ciblée sur "les classes moyennes", cette mesure prolonge une baisse d'impôt engagée en 2014, qui atteindra ainsi six milliards d'euros globalement, a souligné le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert.
Contestant la définition des classes moyennes de la majorité, la droite, à l'image de Marie-Christine Dalloz (LR), a dénoncé une mesure "purement électoraliste" et "qui ne revient en aucune façon sur le choc fiscal du début du quinquennat" de François Hollande.
"Procès injuste", a répliqué la rapporteure générale, Valérie Rabault (PS). Selon ses calculs, "jusqu'à 23.100 euros de revenu annuel, un célibataire paiera moins d'impôt sur le revenu en 2017 qu'en 2012", idem pour un couple avec deux enfants jusqu'à 53.700 euros de revenu annuel.
"Oui, on a fait une réforme fiscale redistributive sur ce quinquennat", a renchéri l'orateur du groupe socialiste, Dominique Lefebvre.
- ISF, "impôt anti-social" pour la droite -
Autre disposition au centre d'un clivage droite-gauche aiguisé, la mise en place d'un mécanisme anti-abus pour éviter que des contribuables très riches n'échappent à l'impôt de solidarité sur la fortune en détournant ses règles de plafonnement.
La droite, dont quasiment tous les candidats à la primaire veulent supprimer l'ISF, a ironisé sur les 50 millions attendus via ce mécanisme, alors que le plafonnement a privé les caisses de l'Etat de plus d'un milliard d'euros de recettes en 2015, essentiellement pour les foyers les plus fortunés.
"Vous essayez de sauver un impôt insauvable", a lancé l'UDI Charles de Courson. L'ISF est "un impôt anti-social, il n'y a que les petits riches qui le payent, les grand riches ne le paient pas", a affirmé ce soutien d'Alain Juppé.
Les socialistes ont défendu, comme Pierre-Alain Muet, "le seul impôt à l'assiette cohérente pour lutter contre les inégalités de patrimoine". Et le communiste Nicolas Sansu a même salué la "persévérance" du secrétaire d'Etat sur cet impôt, dénonçant la volonté de la droite de "torpiller l'ISF".
Cette unité retrouvée à gauche contrastait avec l'ambiance de mercredi soir, où le gouvernement s'est fait battre par sa majorité, à deux reprises, de manière inattendue.
Le gouvernement a échoué à imposer ses vues sur le maintien des avantages sociaux et fiscaux accordés depuis la loi Macron aux attributions d'actions gratuites par les entreprises à certains de leurs cadres. Illustration d'"une divergence réelle avec l'exécutif et d'une détermination des parlementaires à recadrer fortement le dispositif", plus que d'une offensive "anti-Macron", selon un député PS.
Face à la rapporteure voulant limiter cet avantage fiscal "très conséquent accordé à des personnes aux revenus très élevés", Michel Sapin a plaidé, en vain, que "vouloir remettre en cause un dispositif qui a à peine quelques mois de vie n'est pas une bonne manière de faire".
Autre revers pour le gouvernement, l'élargissement, à la grande satisfaction des ONG, de l'assiette et du taux de la taxe sur les transactions financières, pour allouer beaucoup plus d'argent à l'aide publique au développement.
Là encore, une majorité du groupe PS, qui déplorait une diminution de l'aide au développement depuis le début du quinquennat, est allée au-delà de ce que souhaitait le ministre de l'Economie et des Finances. Il s'était engagé à attribuer plus de fonds à l'aide au développement mais défendait le statu quo sur le périmètre de la taxe, dans l'attente d'un accord européen.