Au lendemain d'une journée d'action marquée par un net repli, les salariés du secteur pétrolier, notamment ceux de Total en pointe dans les grèves contre la réforme des retraites, ont voté vendredi la reprise et commencé le long processus de redémarrage des installations.
Ce fut d'abord la raffinerie de Gonfreville, les terminaux du Havre, puis le site de Dunkerque qui ont décidé de cesser la grève après plus de deux semaines de conflit. Imités dans l'après-midi par leurs collègues de Donges (Loire-Atlantique), Feyzin (Rhône) et Grandpuits (Seine-Maritime).
Enfin, les salariés des terminaux pétroliers de Marseille-Fos, en conflit depuis 33 jours au sujet de la réforme portuaire, ont décidé le déblocage des sites, alors que 80 navires chargés d'hydrocarbures sont en attente dans la rade du port.
Un porte-parole de la direction de Total a indiqué à l'AFP que "les expéditions de produits (déjà raffinés) vont reprendre immédiatement" et que "les procédures de redémarrage des raffineries vont être amorcées". Le groupe français a chiffré à 100 millions d'euros le coût de la grève pour Total.
Aucun jour de grève ne sera payé, mais les syndicats comptent sur leur solidarité interne et les dons envoyés par des citoyens pour couvrir une partie des heures non travaillées.
Les six raffineries des autres pétroliers (Petroplus, Esso, Lyondellbasell, Ineos) ont aussi cessé la grève.
"Nous ne sommes pas passés loin de l'objectif, il a manqué quelques catégories professionnelles en plus dans la grève", a jugé le coordinateur CGT chez Total, Charles Foulard, alors que les raffineurs ont été le fer de lance des grévistes dans la contestation de la réforme.
Pour le responsable cégétiste, "les syndicats ont gagné la bataille des idées" car leurs "argumentations sur la possibilité d'avoir une autre réforme, notamment sur le financement, ont été entendues".
La fin de la grève dans les terminaux pétroliers de Marseille et du Havre, va permettre de relancer l'approvisionnement en brut des raffineries françaises.
Quant au retour à une production normale de carburants, il prendra entre trois et sept jours suivant les sites, le temps de procéder au redémarrage total des installations.
L'Union française des industries pétrolières (Ufip) a évalué à "des centaines de millions d'euros" le coût de la grève pour le secteur.
Si le secteur pétrolier reprend le travail, tout comme à la SNCF (2,6% de grévistes selon la direction vendredi) ou dans la collecte des déchets, des actions surprise sur les routes continuent dans la lancée des derniers jours.
Vendredi, une plate-forme logistique d'une zone industrielle près d'Aix-en-Provence a été bloquée à l'aube. "La réforme n'a toujours pas été promulguée, donc on se bat encore", a déclaré Yann Manneval, un responsable CGT.
Sur une note plus festive, à Toulouse, une cinquantaine de personnes étaient rassemblées à midi devant le Medef pour un pique-nique revendicatif. A Amiens, le dépôt de bus a été bloqué.
Après une journée d'action ayant réuni dans la rue entre 560.000 manifestants (ministère) et presque deux millions (CGT), contre 1,1 à 3,5 millions le 19 octobre, les syndicats prenaient en compte ce reflux tout en estimant avoir "gagné la bataille des idées".
"Le gouvernement a perdu la bataille de l'opinion qui soutient ce mouvement", a affirmé vendredi François Chérèque, le leader de la CFDT.
Jean-Claude Mailly, son homologue de FO, a évoqué des "traces profondes" et un "esprit de résistance" qui va se retrouver "dans les entreprises et les administrations".