Le projet d'EDF (PA:EDF) de construire deux réacteurs EPR à Hinkley Point (Royaume-Uni) est un investissement incontournable pour la crédibilité du géant de l'électricité et de la filière nucléaire française, a martelé jeudi son PDG, Jean-Bernard Lévy.
"En ce moment même, il existe environ 60 réacteurs nucléaires en construction dans le monde. Sans Hinkley Point, nous n'aurions plus aucune crédibilité pour accéder à ces marchés", a déclaré Jean-Bernard Lévy lors de l'assemblée générale des actionnaires.
"Hinkley Point est donc l'un de nos investissements indispensables (...) dans un contexte qui est devenu beaucoup plus difficile depuis quelques mois", en raison notamment de prix du marché en berne en Europe et d'une concurrence accrue en France, a-t-il ajouté.
Le projet d'Hinkley Point (sud-ouest de l'Angleterre) est vivement contesté par les syndicats d'EDF qui demandent son report de deux ou trois ans, de crainte que son coût de 18 milliards de livres (environ 23 milliards d'euros) ne compromette la viabilité du groupe.
Fin avril, la direction de l'entreprise avait décidé d'accéder à leur demande de longue date de consulter le comité central d'entreprise (CCE). Celui-ci a décidé lundi de recourir à une expertise externe, reportant une nouvelle fois la décision finale d'investissement, à septembre selon le ministre français de l'Economie, Emmanuel Macron.
Plus largement, pour la CGT, la CFE-CGC et FO Energie, "EDF, fleuron de l'industrie française, fait face aujourd'hui à une situation financière et bilancielle qui lui interdit d'investir massivement pour assurer à l'avenir la sécurité des approvisionnements énergétiques des Français", ont-t-il déploré dans un tract.
Mais le PDG d'EDF s'est voulu rassurant, soutenant qu'Hinkley Point est un projet "mûr" et "rentable" grâce aux garanties de prix et de volumes obtenues du gouvernement britannique pour une période de 35 ans, allant de la mise en service du premier réacteur, officiellement prévue en 2025, à 2060. Le planning opérationnel prévoyant cette mise en service 115 mois après la décision finale d'investissement, le report de cet ultime feu vert au projet pourrait toutefois décaler le lancement à début 2026.
"La rentabilité est de 9% par an, après impôts, sur une durée de 70 ans", a assuré Jean-Bernard Lévy, admettant toutefois que tout semestre de retard l'amputerait de 0,2%.
Confronté à un mur d'investissements à venir, EDF avait annoncé fin avril une série de mesures pour renforcer sa situation financière, dont un projet d'augmentation de capital d'environ 4 milliards d'euros et des mesures d'économies.
Le coût du projet Hinkley Point sera supporté aux deux tiers par le groupe français (12 milliards de livres), le reste (6 milliards) étant pris en charge par son partenaire chinois CGN. Mais il pourrait être revenu en hausse dans l'hypothèse où des problèmes sérieux surviendraient sur le chantier.
"L'engagement en fonds propres des partenaires comprend une marge pour aléas et atteindrait ainsi un montant total de 13,8 milliards de livres pour le groupe EDF et 6,9 milliards de livres pour CGN", soit 15% de plus, a expliqué EDF dans un communiqué.
"Cela ne signifie pas que nous anticipions de quelconques surcoûts au-delà de 18 milliards de livres", a précisé le groupe jeudi soir dans un deuxième communiqué. "Nous n'avons pas l'intention d'utiliser les 15% supplémentaires parce que nous prévoyons de construire Hinkley Point C dans les temps et dans le budget de 18 milliards de livres", qui intègre déjà une marge pour aléas.
EDF a par ailleurs déployé un plan stratégique, Cap 2030, prévoyant d'accroître sa production d'électricité décarbonée et de trouver de nouveaux relais de croissance à l'international, notamment en Chine et en Amérique du Nord, a indiqué son PDG.
Dans le domaine nucléaire, le groupe a aussi été approché par l'Inde, qui "nous a demandé pour la fin de cette année de lui remettre une proposition technico-économique complète sur un site qu'elle nous a désigné pour la construction de six EPR", a indiqué Xavier Ursat, directeur exécutif en charge de l'ingénierie et des projets du nouveau nucléaire.