par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, a jugé la fin de la grève des cheminots en vue, après la finalisation dans la nuit d'un projet d'accord sur l'organisation du travail dans l'entreprise publique soumis à la signature des syndicats.
Mais la sortie de crise dépend de la fédération CGT des cheminots, son premier syndicat, qui prolonge le suspense, à trois jours de l'ouverture de l'Euro de football, qui pourrait coïncider avec la fin du mouvement.
Elle a envoyé un tract à ses adhérents énumérant les points négatifs et positifs, selon elle, du texte finalisé après 19 heures de discussions, mais sans donner de consigne.
La réaction était plus tranchée à Sud-Rail, troisième syndicat de la SNCF. Il a dénoncé "un accord d'entreprise qui ne change rien" et appelé à "poursuivre et amplifier la grève".
"Euro ou pas Euro notre position est de maintenir la pression", a dit à Reuters son numéro un, Eric Santinelli.
Le mouvement a été reconduit pour mercredi dans la majorité des assemblées générales, a dit à Reuters un autre dirigeant de Sud-Rail, Eric Descamps. Mais la direction de la SNCF prévoit une amélioration du trafic, avec trois TGV sur quatre, six TER sur 10, un Transilien et un Intercités sur deux.
De source proche de la direction, on estime que les cheminots cégétistes s'apprêtent à prendre le virage d'un retour progressif au travail mais qu'ils leur faut un peu de temps et que la décrue s'amorcera vraiment jeudi. Une impression confirmée de sources syndicales hors CGT.
"FAIRE BAISSER LA TEMPÉRATURE"
"La CGT a commencé doucement un rétropédalage mais la plus grosse difficulté est pour elle de sortir ses troupes du conflit après les avoir chauffées à blanc", explique ainsi un dirigeant syndicaliste. "Il faut faire baisser la température."
CGT et Sud-Rail ont fait des négociations sur le nouveau cadre social de la SNCF un élément de leur bras de fer avec le pouvoir contre le projet de loi réformant le Code du travail.
Ces deux syndicats critiquent notamment l'article 49 du projet de texte SNCF, qui préfigure selon eux la loi Travail en permettant des dérogations "locales" si elles sont validées par "la majorité en nombre des organisations signataires".
L'Unsa et la CFDT, respectivement deuxième et quatrième syndicats de la SNCF, ont quitté le mouvement la semaine passée après avoir conclu avec le secrétariat aux Transports un accord préservant pour l'essentiel le statu quo pour les cheminots.
Cet accord a été repris dans le texte final soumis à la signature des syndicats jusqu'au 14 juin, date de la journée de mobilisation nationale contre la loi Travail à l'appel de la CGT, de Force ouvrière et de cinq autres organisations.
"Je donnerai un avis favorable", a déclaré à Reuters le négociateur de l'Unsa Ferroviaire, Roger Dillenseger.
Ce projet "préserve les conditions d'emploi" des cheminots tout en apportant des avancées comme 14 week-ends garantis, une "meilleure prise en compte du travail de nuit" et l'assurance qu'il n'y aura pas de prise de service délocalisée, a-t-il dit.
La CFDT a annoncé qu'elle signerait l'accord d'entreprise, ainsi que la convention collective négociée au niveau de la branche ferroviaire et ouverte à la signature jusqu'à mercredi.
"GESTE FINANCIER"
Guillaume Pepy a estimé sur Europe 1 que cette "négociation réussie" devait "permettre une sortie totale de la grève."
"On a été au point ultime des avancées possibles", a-t-il dit. "Il n'y a donc plus aucune raison de faire grève."
Selon la direction, le taux de grévistes n'était plus mardi que de 8,5%, mais avec une majorité de conducteurs de train.
Guillaume Pepy a souligné que la grève avait coûté à ce jour plus de 300 millions d'euros, soit, a-t-il dit, l'"équivalent (des) bénéfices de l'an dernier". Il a précisé qu'il y avait aussi plus de 200 trains de marchandises bloqués en France.
Le projet de cadre social de la SNCF est le troisième étage d'un dispositif négocié depuis des mois, qui comprend, outre le projet d'accord pour l'ensemble de la branche ferroviaire, un "décret socle" applicable à toutes les entreprises du secteur.
Le projet d'accord de branche vise notamment à réduire l'écart concurrentiel entre la SNCF, entreprise publique, et le secteur privé, dans la perspective de la généralisation de l'ouverture du secteur à la concurrence en Europe fin 2019.
Selon le négociateur de la SNCF, Benjamin Raigneau, cet écart, évalué au départ entre 20 et 30%, est réduit de moitié.
Guillaume Pepy a demandé à l'Etat un geste financier pour aider la SNCF à relever le défi de sa modernisation.
"Nous avons besoin de décisions importantes pour notre avenir", a-t-il dit, citant la rénovation du réseau, les trains Intercités, l'avenir du fret et le poids des intérêts de la dette de la SNCF, qui atteint 50 milliards d'euros.
Le Premier ministre, Manuel Valls, pourrait annoncer les décisions du gouvernement dans les prochaines 24 heures.
(Edité par Yves Clarisse)