Au lieu du coup d'arrêt initialement annoncé, le Japon a dégagé une croissance de 0,2% au deuxième trimestre, une performance loin d'être extraordinaire mais qui pourrait permettre à la Banque du Japon (BoJ) de jouer la montre.
"Même si c'est un peu mieux, dans l'ensemble les perspectives sont peu encourageantes", a commenté auprès de l'AFP Kohei Iwahara, analyste de Natixis, après la publication jeudi par le gouvernement de ces données révisées.
En rythme annualisé - c'est-à-dire si l'évolution du trimestre se prolongeait sur une année - le PIB ressort en hausse de 0,7% (au lieu de 0,2% initialement annoncé). Les analystes interrogés par l'agence financière Bloomberg News misaient sur des chiffres inchangés.
Les investissements non résidentiels des entreprises ont reculé moins qu'estimé initialement (-0,1% sur un trimestre, au lieu de -0,4%) et la consommation des ménages a été modifiée positivement (+0,2%, au lieu de +0,1%).
Il n'y a cependant pas de quoi pavoiser, arguent les analystes: la croissance reste en effet très modeste, attestant des difficultés de la stratégie "abenomics" lancée fin 2012 par le Premier ministre conservateur Shinzo Abe, qui mêle largesses budgétaires, politique monétaire ultra-accommodante et promesse de réformes structurelles.
"L'économie japonaise ne parvient à dégager qu'une croissance faible et fragile en l'absence d'un moteur phare", commentait dans une note publiée avant l'annonce Yasunari Ueno, économiste en chef de Mizuho Securities, d'autant plus qu'elle est pénalisée par le récent regain du yen.
Le Japon, qui s'est longtemps appuyé sur la force de ces exportations, les voit désormais décliner, mois après mois (-1,5% entre avril et juin). "Les vents contraires sont à la fois structurels - délocalisations de la production à l'étranger - et cycliques - yen plus fort et ralentissement des économies émergentes", analyse M. Ueno.
- Urgence moindre -
Par ailleurs, "les bénéfices des entreprises étant attendus en déclin en 2016/17, on voit mal se profiler une hausse des salaires suffisante pour stimuler la consommation des ménages ainsi qu'une augmentation significative des investissements des entreprises".
Quant au massif plan de relance annoncé cet été par le gouvernement (28.000 milliards de yens, ou 240 milliards d'euros), il ne devrait avoir qu'un impact positif limité, estime-t-il.
Malgré les sombres pronostics des observateurs, cette révision en hausse du PIB, après une croissance de 0,5% au premier trimestre, pourrait fournir un argument au gouverneur de la Banque du Japon pour maintenir sa politique monétaire inchangée lors de sa prochaine réunion des 20 et 21 septembre. "Cela réduit l'urgence d'agir pour la BoJ", relèvent ainsi les analystes de Bloomberg Intelligence.
En début de semaine, Haruhiko Kuroda, qui prononçait un discours à Tokyo, a laissé planer l'incertitude sur l'issue de cette rencontre, qui doit être l'occasion d'un bilan plus de trois ans après le lancement d'une vaste offensive monétaire.
La BoJ "dispose encore d'une grande marge de manoeuvre" pour assouplir sa politique, a-t-il dit. "Mais dans la vie, il n'y a rien de gratuit. Tout assouplissement monétaire a un coût, qui affecte de manière négative certains secteurs", a-t-il ajouté, en référence notamment aux banques pénalisées par la récente instauration de taux négatifs sur l'argent déposé dans les coffres de l'institution.
"Que peut faire la banque centrale pour atteindre son objectif de 2% dès que possible? Il paraît difficile de procéder à des changements à court terme, je n'attends pas grand chose de la prochaine réunion", lâche l'analyste de Natixis.