par John Geddie
LONDRES (Reuters) - Les investisseurs entrevoient une possibilité encore faible d'un relèvement de taux de la Banque centrale européenne (BCE) l'an prochain, ce qui serait une première depuis 2011, un scénario qui s'appuie sur la remontée rapide des anticipations d'inflation ces deux derniers jours.
Il faut remonter à juillet 2011 pour retrouver une hausse du taux de la facilité de dépôt de la BCE mais cette dernière était rapidement revenue sur sa décision pour cause de crise de la dette de la zone euro. Le taux de dépôt a depuis été ramené progressivement de 0,75% à -0,40%, son niveau actuel.
En mars dernier, après la dernière baisse de taux, le président de la BCE, Mario Draghi, a dit que l'institut d'émission n'irait pas plus loin et la plupart des économistes pensent que le statu quo durera plusieurs années afin d'appuyer la reprise économique de la zone euro.
Toutefois, l'un des effets secondaires de l'accession à la présidence des Etats-Unis de Donald Trump est une brusque remontée des anticipations d'inflation, les investisseurs estimant que sa politique budgétaire pourrait créer une inflation que les banques centrales ont toutes les peines du monde à revigorer depuis la crise financière de 2008.
Du coup, certains professionnels des marchés estiment que la BCE pourrait durcir sa politique monétaire plus tôt que prévu, même si elle s'est engagée à de multiples reprises à poursuivre longtemps une politique monétaire ultra-accommodante.
"Nous jouions ces derniers mois sur la probabilité de voir les taux diminuer encore mais désormais, le marché l'exclut totalement et on peut même suggérer à présent qu'il existe une très faible probabilité de hausse des taux à l'horizon d'un an environ", dit Peter Schaffrik, stratège de RBC.
LES ANTICIPATIONS DE BAISSE DE LA LIQUIDITÉ JOUENT AUSSI
Il met en avant le taux interbancaire forward Eonia calculé aux dates des réunions de politique monétaire de la BCE du second semestre 2017, qui est monté aux alentours de -0,33% jeudi, un peu au-dessus du taux Eonia au jour le jour qui avoisine -0,34%.
Les marchés en déduisent une probabilité de 10% environ d'une hausse de 10 points de base du taux de dépôt de la BCE d'ici la fin 2017.
Autre signe du changement d'état d'esprit des investisseurs: le taux forward Eonia à un an est passé au-dessus de l'Eonia au jour le jour pour la première fois depuis que la BCE a lancé son programme d'assouplissement quantitatif, soit depuis le début 2015.
Pour Ben May, économiste d'Oxford Economics, cette hausse des taux Eonia forward atteste peut-être d'une certaine probabilité de hausse des taux mais elle s'explique également par des facteurs techniques tels que les anticipations d'une baisse de la liquidité.
"Il est très peu probable que la BCE relève les taux l'an prochain. Pour nous, ça attendra 2020", dit-il.
La BCE décidera en décembre s'il y a lieu de prolonger au-delà de mars 2017 son programme de rachats obligataire. Les marchés s'interrogent aussi sur la possibilité que la BCE puisse opter pour un allègement progressif ("tapering") de ce programme mensuel.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Angrand)