Les industriels français sont pressés de repartir à la conquête du marché libyen, convoité par leurs concurrents chinois, turcs ou allemands, avant même qu'un gouvernement provisoire stable ne soit formé.
Arrivés mercredi en délégation massive, des représentants de 80 grandes entreprises et PME, pour la plupart présentes en Libye avant l'insurrection de février contre Mouammar Kadhafi, ont rencontré leurs nouveaux interlocuteurs.
"Aujourd'hui, la principale difficulté pour tout le monde c'est de trouver les pouvoirs de décision", a déclaré à l'AFP Olivier de Noray directeur des ports et terminaux chez Bolloré Africa Logistics, qui avait dû renoncer au lancement d'un projet sur la zone franche de Misrata.
Nombre de sociétés ont dû évacuer leurs expatriés, laissant des équipements derrière elles. Les entreprises françaises comptaient 700 expatriés avant le conflit.
"Le 17 février tout s'est arrêté, nous avons demandé à nos employés libyens de rester chez eux et avons fait partir les expatriés", a raconté à l'AFP Pascal Homsy, P-DG d'Alcatel-Lucent France, qui détient la moitié du marché libyen de la téléphonie fixe et mobile.
Les incertitudes quant à la composition du gouvernement libyen ne doivent pas effaroucher les Français, a lancé le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur Pierre Lellouche, qui menait la délégation. "D'autres ne vont pas attendre, je pense aux Turcs, Chinois, Allemands (...) qui n'étaient pas très nombreux pour aider ce pays pendant la guerre et qui sont en train d'arriver par vagues successives", a-t-il ajouté.
La Chine a investi des milliards de dollars en Libye et y employait avant l'insurrection 36.000 de ses ressortissants. Cent dix entreprises turques ayant des activités dans le pays sont recensées par la Chambre de commerce turco-libyenne. Le ministre allemand de l'Economie Philipp Rösler devait se rendre mercredi et jeudi à Tripoli.
Le prochain rendez-vous des industriels français avec leurs partenaires libyens a été fixé à mi-novembre, pour cette fois une phase de "présignature" d'accords, a annoncé M. Lellouche. La France était en 2010 le 6e fournisseur de la Libye avec 6% de part de marché contre 19% pour l'Italie et 11% pour la Chine.
Un gouvernement provisoire doit être mis en place un mois au plus après la proclamation de la libération qui n'interviendra que quand les forces du Conseil national de transition (CNT) auront pris le contrôle total de Syrte. Des élections générales seront organisées ensuite dans les huit mois.
Aucun nouveau contrat pétrolier ne sera conclu avant l'issue de ce scrutin, ont précisé mercredi les Libyens.
Si la France bénéficie d'une aura très positive après son soutien à l'insurrection, elle ne doit pourtant attendre aucun cadeau commercial en retour.
"Le critère de toute négociation commerciale (...) sera l'intérêt du peuple libyen", a prévenu mercredi le ministre des Finances et du Pétrole du CNT, Ali Tarhouni, après avoir remercié la France. "Il ne faut pas demander de traitement de faveur. Les ministres en place aujourd'hui ont tous été formés aux Etats-Unis, ils veulent un système transparent, non corrompu", a déclaré M. Lellouche aux industriels.
Les secteurs de l'énergie, du BTP et des transports, étaient largement représentés dans la délégation avec également l'agroalimentaire, les télécommunications, la sécurité, l'urbanisme et l'aménagement du territoire, la santé, la banque, l'eau et l'environnement.
La Libye, productrice de 1,6 million de barils par jour de pétrole de haute qualité avant le soulèvement, a des besoins énormes pour reconstruire ses infrastructures, et face aux pénuries d'eau, aux problèmes de sécurité et de santé.
Contrairement à la Tunisie ou l'Egypte, elle dispose de réserves importantes de pétrole et n'a pas à se soucier de difficultés de paiement.