La rupture d'un contrat entre Technicolor et Orange est au centre d'une polémique qui oppose les deux sociétés, la ministre Fleur Pellerin et les syndicats sur la responsabilité de la liquidation du site Thomson Angers de Technicolor qui emploie 350 salariés.
Dernière unité de production du groupe français en Europe, l'usine spécialisée dans la fabrication de décodeurs numériques a vu, faute de repreneur, sa liquidation prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre jeudi dernier.
Dès le début de la crise, au printemps, le groupe d'électronique avait justifié sa fermeture par la concurrence asiatique, la réglementation européenne sur la protection tarifaire relative aux décodeurs et la rupture d'un gros contrat entre Thomson Angers et France Télécom.
C'est précisément l'arrêt de ce contrat présenté par la direction comme stratégique pour la survie du site qui fait polémique aujourd'hui, chaque partie s'en rejetant la responsabilité.
Le gouvernement, lui, a apporté sans ambiguïté son soutien à l'opérateur des télécoms.
La ministre de l'Economie numérique Fleur Pellerin a affirmé mercredi, alors même que plusieurs centaines de personnes manifestaient à Angers en "soutien aux Technicolor", que "c'était bien Technicolor et non pas Orange qui avait rompu le contrat", car il ne pouvait tenir les délais.
Et d'appeler Technicolor, qui vient d'être assigné par le liquidateur devant la justice, à financer le plan social évalué à 30 millions d'euros par le comité d'entreprise, actuellement en négociation. "Nous mettrons la pression nécessaire pour que cela soit le cas", a averti la ministre, en dénonçant "l'attitude inadmissible" de Technicolor.
Elle lui reproche aussi de "jouer" sur la complexité et le flou des relations entre la maison mère et sa filiale Thomson Angers "pour ne pas assumer ses responsabilités vis-à-vis des salariés".
Sagem
Le président de Technicolor Entertainment, Michel Vaquin, a répondu jeudi point par point aux attaques de la ministre.
"Ce n'est absolument pas Technicolor qui a mis fin à ce contrat", mais bien France Télécom, pour le confier finalement à Sagem, a-t-il expliqué à l'AFP, en détaillant l'historique.
Orange signe avec Technicolor un contrat début 2011 pour une livraison de décodeurs en avril 2012. Technicolor demande un "report de livraison" à septembre 2012. Le donneur d'ordre prend alors la décision de confier à "un autre industriel", Sagem, la fourniture du produit qui n'a toujours pas été livré à ce jour.
"Dans la profession, tout le monde sait que dans un projet d'une telle complexité, six mois de retard, cela arrive", se défend Technicolor.
Le groupe précise également que les relations entre Thomson Angers et Technicolor sont "parfaitement claires": la première "est une filiale" de la seconde.
Il a reçu le soutien de l'intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC d'Angers. "Il est un peu facile de tout mettre sur le seul dos de Technicolor. On a l'impression que la ministre, en appuyant sur la tête d'un seul, essaie de protéger Orange", s'est indignée une porte-parole, Odile Coquereau.
L'opérateur, lui, fait valoir qu'il "ne peut en aucun cas être tenu pour responsable de la fermeture d'Angers", et ajoute que le report des délais de livraison "constitue une rupture du contrat".
"Face à ces différentes affirmations contradictoires", l'intersyndicale du groupe Technicolor dit ne plus savoir "distinguer le vrai du faux" et réclame "une commission d'enquête parlementaire".