par Raquel Castillo et Julien Toyer
MADRID (Reuters) - La juge de l'Audience nationale espagnole, suivant les réquisitions du procureur général de l'Etat, a ordonné jeudi le placement en détention provisoire de neuf dirigeants catalans, dont l'ancien vice-président Oriol Junqueras.
Des informations contradictoires ont circulé sur le lancement d'un mandat d'arrêt contre Carles Puigdemont avant que son avocat Paul Bekaert n'annonce dans la soirée que son client était effectivement visé par une telle procédure.
"Je viens d'apprendre auprès de mon client qu'un mandat avait été lancé contre le président et quatre de ses ministres qui sont en Belgique", a déclaré Paul Bekaert sur la chaîne de télévision flamande VRT.
Le procureur général, qui demandait le lancement de ce mandat d'arrêt, avait réclamé le placement en détention provisoire de ces dirigeants séparatistes entendus par une juge de l'Audience nationale, la Haute Cour de justice espagnole, à Madrid, où ils devaient répondre d'accusations de rébellion, sédition et détournement de fonds publics.
La juge a aussi demandé une mesure de libération sous caution de 50.000 euros pour l'un d'eux, Santi Vila, qui a démissionné de l'exécutif régional de Catalogne avant le vote de la déclaration unilatérale d'indépendance et milite depuis pour une solution négociée avec le gouvernement.
Comme annoncé, Carles Puigdemont, le président destitué de l'exécutif régional qui a gagné Bruxelles en début de semaine, n'a pas répondu à la convocation mais a fait savoir par son avocat belge qu'il se tenait prêt à témoigner depuis la Belgique.
Peu de temps après l'annonce de la décision du juge, Carles Puigdemont a accusé sur Twitter la "bande du 155", référence à l'article de la constitution espagnole utilisé par Madrid pour destituer le gouvernement catalan.
"Le gouvernement légitime de la Catalogne a été envoyé en prison pour ses idées et pour avoir été fidèle au mandat approuvé par le Parlement de Catalogne", a-t-il écrit.
Une large partie de la classe politique catalane et des organisations de défense des droits de l'homme ont déploré la décision et des centaines de personnes se sont réunies devant le Parlement pour réclamer la libération des personnes incarcérées.
Outre Carles Puigdemont, quatre autres conseillers de l'exécutif destitué de Catalogne ne se sont pas présentés non plus devant la juge Carmen Lamela.
Le président du Tribunal suprême, Carlos Lesmes, avait estimé jeudi matin que Puigdemont fasse l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il refuse de se présenter devant les juges.
Dans ce cas, il sera pratiquement impossible à Carles Puigdemont de se présenter aux élections régionales du 21 décembre.
La présidente du parlement régional, Carme Forcadell, et cinq autres députés qui siégeaient au bureau de l'assemblée catalane ont été entendus eux par le Tribunal suprême, qui a accepté leur demande de report de l'audition au 9 novembre, le temps qu'ils puissent se préparer.
Leurs cas sont examinés par le Tribunal suprême du fait de l'immunité parlementaire dont ils bénéficient.
MANIFESTATIONS A BARCELONE
Le gouvernement et le parlement de la région ont été dissous vendredi dernier par le gouvernement espagnol dans les heures ayant suivi l'adoption de la déclaration unilatérale d'indépendance de la Catalogne.
"Ce n'est pas avec des tribunaux et de la violence qu'on réglera le conflit catalan, mais par de la politique et du leadership", a déclaré l'ex-président de la Generalitat Artur Mas, qui accompagnait les dirigeants catalans à leur arrivée à l'Audience nationale.
Ces premières audiences doivent déterminer s'il y a lieu d'engager des procédures judiciaires en bonne et due forme susceptibles de durer plusieurs années et d'aboutir potentiellement à des procès.
Lors d'une conférence de presse organisée mardi à Bruxelles, Carles Puigdemont a affirmé qu'il ne demanderait pas l'asile politique à la Belgique et qu'il ne tenterait pas de se soustraire à la justice espagnole, mais a réclamé des "garanties judiciaires", non spécifiées, pour rentrer en Espagne et répondre à la convocation des juges.
Son avocat belge a redit jeudi que Puigdemont coopérerait avec les justices espagnole et belge.
"Le climat n'est pas bon, il vaut mieux prendre quelques distances", a dit Paul Bekaert à Reuters "S'ils le demandent, il coopérera avec les tribunaux espagnols et belges", a-t-il ajouté.
Des manifestations ont été organisées jeudi dans le centre de Barcelone en solidarité avec les dirigeants sécessionnistes.
Des divergences sont cependant apparues au sein de la coalition indépendantiste, où des voix s'élèvent en faveur d'un règlement négocié avec Madrid.
(Avec Emma Pinedo, Henri-Pierre André, Guy Kerivel et Nicolas Delame pour le service français)