Les amoureux du fromage aux Etats-Unis respirent: ils ont craint un temps être privés de comté, parmesan ou tout fromage affiné sur planche de bois, dont l'hygiène est mise en doute par l'Agence américaine de l'alimentation, qui a cependant promis de les laisser en vente.
"Nous sommes ravis que les fabriquants de fromage puissent continuer à fabriquer les fromages que nous aimons en utilisant une méthode traditionnelle", a réagi jeudi dans un communiqué à l'AFP Nora Weiser, directrice de l'American Cheese Society (ACS), organisation de promotion du fromage.
"Nous sommes confiants que la poursuite des discussions entre les artisans et la FDA va préserver l'affinage sur planche de bois et toutes les autres méthodes traditionnelles", ajoute-t-elle.
L'ACS réagissait à un communiqué de la FDA mercredi soir affirmant clairement qu'elle "n'avait pas interdit ni n'allait interdire" cette méthode d'affinage, au terme d'un feuilleton qui a soulevé ces derniers jours les passions des amateurs de tradition.
L'affaire a commencé il y a plusieurs mois dans l'Etat de New York (nord-est), quand des fromagers se sont vu reprocher par l'agence fédérale, pour des raisons d'hygiène, d'utiliser des planches de bois sur lesquelles on pose le fromage pour l'affiner.
Des clarifications ont été demandées à ce gendarme de la santé publique américaine, les fromagers s'étonnant de voir contestée une méthode toujours utilisée.
Une responsable de la branche lait de la FDA, Monica Metz, a alors rappelé une ancienne règlementation exigeant que le fromage soit affiné sur des "surfaces que l'on peut nettoyer correctement", excluant le bois.
"Et ça a suscité un tollé", dit Mme Weiser.
- "Le bois contribue au goût" -
Mercredi, une dizaine d'élus ont appelé leurs collègues du Congrès "amoureux du fromage" à soutenir un amendement pour empêcher la Food and Drug Administration "d'aller à l'encontre d'un procédé utilisé depuis des siècles".
Une pétition -- avec 5.800 signatures jeudi -- a été lancée dimanche sur le site ouvert au public de la Maison Blanche pour que la FDA lève ses "restrictions sur l'affinage du fromage sur planches de bois".
Une campagne "saveourcheese" ("sauvez nos fromages") a démarré sur Twitter et Tumblr alors qu'une critique gastronomique sur le site spécialisé Thrillist, Kristin Hunt, s'inquiétait d'une "nouvelle terrible pour quiconque ne mange pas du fromage sous plastique".
L'ACS a donc demandé mardi à la FDA de "revoir son interprétation" de la circulaire.
Pour Mme Weiser, une interdiction de ce type d'affinage, en plus d'être "une menace contre les méthodes traditionnelles", aurait touché "non seulement les fromages fabriqués aux Etats-Unis mais aussi ceux qui sont importés", comme le parmesan reggiano, le comté, le beaufort ou les cheddars traditionnels.
Selon elle, le seul Wisconsin (nord-est), le grand Etat américain du fromage, fabrique chaque année 15.000 tonnes de fromages affinés sur bois.
Le "bois a non seulement montré depuis longtemps qu'il est tout à fait sûr pour l'affinage, mais il contribue depuis des lustres au goût et à la qualité" du fromage, dit-elle.
Devant les protestations, l'agence fédérale a publié mardi un communiqué considéré par les protestataires comme un rétropédalage. Elle indiquait qu'elle "n'avait pas pris de nouvelle directive" interdisant l'utilisation des planches, tout en évoquant toujours les problèmes d'hygiène.
Voulant apparemment être mieux comprise, elle a répété dans un nouveau communiqué mercredi soir qu'elle "n'avait pas interdit ni n'allait interdire" cet usage, en "reconnaissant les inquiétudes" qui s'exprimaient.
Les précédentes explications "n'étaient qu'un élément d'information" sur l'usage des planches de bois, a-t-elle plaidé, en concédant que les mots utilisés étaient "plus définitifs que ce qu'ils auraient dû être".
Pendant la polémique, l'analyste en politique commerciale K. William Watson, du Cato Institute, avait ironisé sur les prises de position de la FDA semblant selon lui "participer d'une croisade bizarre contre les fromages qui ont du goût".
Et de rappeler le blocage, il y a un an, de 1,5 tonne de mimolette française aux frontières américaines, en raison d'un trop grand nombre de "mites", ces acariens cultivés à dessein sur la croûte pour affiner le fromage. La mimolette est aujourd'hui vendue jeune dans le pays, avec une croute de cire.