par Christoph Steitz
FRANCFORT (Reuters) - E.ON, le géant allemand des services aux collectivités, va scinder l'essentiel de ses activités d'amont, de production conventionnelle d'électricité et de trading pour se recentrer sur les énergies renouvelables et les réseaux de distribution face à la crise qui secoue le secteur en Europe.
Dans un communiqué, le groupe met en avant "l'évolution spectaculaire des marchés mondiaux, les innovations techniques et les attentes plus diverses de la clientèle" pour justifier cette réorganisation majeure.
"Nous avons assisté à l'émergence d'un nouveau monde de l'énergie", a déclaré le président du directoire, Johannes Teyssen, à des analystes financiers lundi. "Le modèle d'entreprise généraliste actuel d'E.ON n'est plus en mesure de répondre correctement à ces nouveaux défis.".
E.ON va se préparer l'an prochain à une introduction en Bourse de la nouvelle société issue de la scission, qui devrait avoir lieu après son assemblée générale de 2016.
Le secteur de l'énergie en Allemagne souffre de la faiblesse de la demande d'énergie et des prix de gros, ainsi que de la montée en puissance des énergies renouvelables qui remplacent progressivement les centrales au charbon et au gaz.
La scission ne sera pas accompagnée d'un plan de réduction des effectifs, a indiqué E.ON, précisant qu'environ 40.000 salariés resteraient au sein de la société mère, les 20.000 restant passant sous le contrôle de la nouvelle société.
"Nous voyons cela comme une initiative extrêmement courageuse mais progressive d'E.ON", écrit l'analyste de RBC Capital Markets John Musk dans une note à ses clients, en conservant sa recommandation "surperformance" sur le titre.
"La question qui se pose désormais est de savoir si d'autres groupes intégrés de services aux collectivités vont suivre."
E.ON n'a pas fourni de détails sur la répartition des résultats entre chacune des deux sociétés après la scission.
DÉPRÉCIATIONS
L'amont, la production conventionnelle d'électricité et la filiale de matières premières d'E.ON qui inclut l'activité de trading, représentaient environ 35% de son résultat brut d'exploitation (Ebitda) de 9,32 milliards en 2013.
Les énergies renouvelables et les activités réglementées du groupe représentaient à elles seules 54% de ce résultat avant impôts, dépréciations et amortissement.
Le projet prévoit d'investir davantage dans l'énergie solaire et éolienne.
Dans un premier temps, le groupe a annoncé qu'il transférerait une majorité du capital de la nouvelle société aux actionnaires actuels afin d'éviter la cession de nouvelles actions sur le marché comme lors des introductions en Bourse.
Les investisseurs d'E.ON recevront ainsi des actions de la nouvelle société en plus des titres de la maison mère.
E.ON, dont la dette nette s'élève à 31 milliards d'euros, a annoncé son intention de céder à moyen terme sa participation minoritaire dans la nouvelle société pour assainir son bilan.
En décidant une scission de sa production conventionnelle, E.ON se sépare d'un secteur qui a beaucoup souffert de la décision de Berlin de se tourner vers les sources d'énergies renouvelables au détriment du gaz, du charbon et du nucléaire.
En six ans, E.ON a perdu près des trois quarts de sa valorisation boursière, à environ 29 milliards d'euros, contre un plus haut historique de 100 milliards euros atteint en 2008.
E.ON a aussi fait savoir qu'il accuserait une perte importante au titre de 2014 en raison de charges supplémentaires de 4,5 milliards d'euros au quatrième trimestre, évoquant des dépréciations d'actifs dans le sud de l'Europe et ses centrales en perte.
Réuni dimanche, le conseil de surveillance a par ailleurs approuvé le versement d'un dividende de 0,50 euro au titre de 2014 et 2015, en retrait par rapport au dividende de 0,60 euro distribué au titre de 2013.
E.ON a ajouté avoir décidé de céder ses actifs en Espagne et au Portugal au groupe d'investissement australien Macquarie, spécialiste des infrastructures, pour 2,5 milliards d'euros, une opération qui pourrait être suivie par des cessions d'actifs en Italie.
Le groupe va mener en parallèle une revue stratégique de ses activités d'exploration et de production en Mer du Nord.
(Juliette Rouillon pour le service français, édité par Véronique Tison)