Armes à feu, finance, pollution des rivières, méthane: main dans la main avec le président Donald Trump, la majorité républicaine du Congrès a commencé à abroger des réglementations de l'ère Obama ciblées par le patronat.
Aussitôt installé à la Maison Blanche, le milliardaire républicain a signé un décret gelant toute nouvelle réglementation sur le point d'être finalisée, et ordonnant aux administrations de supprimer deux réglementations à chaque fois qu'une nouvelle doit être promulguée.
"Nous estimons possible de supprimer 75% des réglementations", a-t-il dit en recevant des dirigeants d'entreprises à la Maison Blanche le 23 janvier.
Si ces consignes restent vagues, elles témoignent de la volonté de la majorité républicaine de répondre aux revendications de groupes d'intérêts qui ont investi des centaines de millions de dollars en lobbying et financement de campagnes.
"C'est Noël tous les jours pour le patronat sous l'administration Trump", dit à l'AFP Robert Weissman, président de l'ONG Public Citizen, qui a contesté en justice le décret sur les réglementations.
En pratique, Donald Trump peut retarder ou réexaminer mais ne peut annuler d'un coup de stylo des réglementations élaborées pendant plusieurs années.
Mais les chefs républicains du Congrès ont déterré une loi inusitée de 1996 qui leur permet, par un vote, de révoquer toute réglementation finalisée dans les six derniers mois de l'administration précédente. Ils ont déjà lancé les abrogations suivantes:
- un texte qui aurait interdit aux exploitants miniers de rejeter dans les rivières des résidus de l'extraction charbonnière;
- une règle anti-corruption obligeant les compagnies pétrolières à déclarer les sommes versées à des Etats étrangers;
- une autre qui obligeait les exploitants pétroliers à réduire les fuites de méthane s'échappant des puits;
- une consigne visant à interdire aux bénéficiaires d'allocations pour handicapés mentaux d'acheter une arme à feu.
Le président, quant à lui, a signé un décret s'attaquant à la grande réforme financière Dodd-Frank, adoptée après la Grande Récession de 2008, et à la règle fiduciaire obligeant les conseillers financiers à agir dans l'intérêt de leurs clients. L'objectif reste identique: moins de réglementations signifie moins de coûts pour les entreprises et donc leurs clients.
- Guérilla judiciaire -
Ces réglementations étaient sur la liste noire de puissantes organisations patronales comme la US Chamber of Commerce ou Freedom Partners, qui accusaient l'administration Obama d'imposer des coûts excessifs aux entreprises, notamment dans le domaine environnemental.
Des réglementations phares comme le Clean Power Plan, visant les émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon, se sont aussi retrouvées devant la justice.
"Les huit dernières années furent un défi", affirme Paul Schlegel, directeur de l'équipe environnementale de la centrale agricole American Farm Bureau Federation. Désormais, dit-il à l'AFP, "il y un sentiment général d'espoir".
Des dizaines de fédérations patronales, issues de tous les secteurs, font pression en ce moment sur le Congrès pour qu'il réduise les pouvoirs des agences fédérales.
"Nous sommes favorables aux signaux envoyés par l'administration Trump pour réformer le processus réglementaire," dit Lowell Randel, vice-président de la Global Cold Chain Alliance, qui représente 1.300 entreprises de la chaîne du froid.
L'autre levier concerne les inspections de terrain. L'administration Trump pourrait freiner les contrôles, et substituer des avertissements aux amendes. Le service de contrôle de l'Agence de protection de l'environnement (EPA) pourrait ainsi passer à la trappe, selon le site spécialisé Inside EPA.
"Nous ne demandons pas de l'indulgence, mais ce serait positif que les relations deviennent plus constructives", réclame Paul Schlegel.
Avec les démocrates relégués dans la minorité, la résistance s'organise autour des ONG et associations écologistes ou de défense des consommateurs. Les quatre prochaines années devraient donner lieu à une guérilla judiciaire permanente.
"Chaque abrogation sera contestée en justice, il y aura beaucoup d'obstacles", prédit Rebecca Buckwalter-Poza, du centre de réflexion progressiste Center for American Progress. "Mais en attendant, les réglementations ne seront pas appliquées, et il sera impossible d'en créer de nouvelles".