par Michael Nienaber et Paul Carrel
BERLIN (Reuters) - Un camion a foncé sur un marché de Noël lundi soir à Berlin, faisant au moins douze morts et 48 blessés, dont plusieurs sont dans un état grave, et les autorités allemandes estiment avec prudence avoir affaire à une attaque.
"Nous ne disposons pas encore d'éléments conclusifs sur les circonstances des événements", a déclaré dans la soirée le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière. "Je ne veux pas encore utiliser le mot 'attaque' même si beaucoup de choses pointent dans cette direction", a-t-il poursuivi sur la chaîne de télévision ARD.
La police a annoncé qu'un suspect avait été arrêté, sans doute le conducteur du camion, et qu'il était actuellement entendu par les enquêteurs. Un passager du véhicule est mort lorsque le camion a percuté la foule qui se pressait sur le marché de Noël installé au pied de la Gedächtniskirche, l'église du Souvenir située au coeur de l'ex-Berlin Ouest, près du Kurfürstendamm.
La nationalité du conducteur présumé du camion n'a pas été établie avec certitude. Des médias allemands, citant des sources locales des services de sécurité, avancent cependant qu'il serait originaire d'Afghanistan ou du Pakistan et qu'il serait probablement arrivé en Allemagne en février dernier comme réfugié.
Sur les lieux, des policiers ont déclaré aux médias locaux qu'il semblait s'agir d'un acte délibéré, ce qui constituerait une des attaques les plus meurtrières depuis des décennies en Allemagne.
"Nous avons entendu un grand 'bang'", a déclaré une touriste, Emma Rushton, interrogée sur la chaîne américaine CNN. "Nous avons alors vu le haut d'un camion articulé, d'un semi-remorque (...) écrasant les étals, les gens."
Un autre témoin, Jan Hollitzer, rédacteur en chef adjoint du Berliner Morgenpost, a dit avoir "entendu un grand bruit". "Je suis allé vers le marché de Noël où j'ai vu des scènes de chaos, de nombreuses personnes blessées. C'était un vrai traumatisme", a-t-il poursuivi.
SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
Voitures de police et ambulances ont aussitôt convergé par dizaines sur les lieux du drame qui rappelle l'attentat du 14 juillet à Nice. Quatre vingt-six personnes y ont trouvé la mort lorsqu'un poids lourd conduit par Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait foncé dans la foule venue assister au feu d'artifice de la fête nationale. L'organisation Etat islamique s'était attribué la responsabilité du carnage.
D'après la police allemande, le camion était immatriculé en Pologne, il pourrait avoir été volé sur un chantier.
La chancelière Angela Merkel a été informée de la situation par son ministre de l'Intérieur et le maire de Berlin.
"Je suis ébranlé par cette horrible nouvelle", a dit son ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.
A Paris, François Hollande a exprimé la solidarité de la France. "Les Français partagent le deuil des Allemands face à cette tragédie qui frappe toute l'Europe", a déclaré le président dans un communiqué diffusé par l'Elysée.
"Je suis horrifié par les informations venues de Berlin ce soir", a dit pour sa part le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, parlant d'un "moment sombre et douloureux".
Le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux, qui a évoqué un "acte criminel", a annoncé le renforcement des mesures de sécurité autour des marchés de Noël en France.
Aux Etats-Unis, le président élu Donald Trump a dénoncé une attaque qu'il a imputée aux "terroristes islamistes". "Les choses ne font qu'empirer. Le monde civilisé doit changer sa façon de penser", a-t-il poursuivi dans un communiqué, évoquant aussi l'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie.
"DANS LA LIGNE DE MIRE DU TERRORISME"
L'Allemagne n'a pas connu d'attaques aussi meurtrières que la France ou la Belgique mais, de l'aveu de la ministre allemande de la Défense, Ursula Van der Leyen, le pays qui a accueilli quelque 900.000 réfugiés l'an dernier se trouve "dans la ligne de mire du terrorisme".
En juillet dernier, l'Allemagne a été frappée par deux attaques revendiquées par l'organisation Etat islamique. Le 18 juillet, à hauteur de Wurtzbourg, en Bavière, un jeune homme de 17 ans a attaqué à la hache les passagers d'un train, blessant grièvement quatre personnes avant d'être abattu par la police. Six jours plus tard, un demandeur d'asile syrien s'est fait exploser à l'entrée d'un festival de musique à Ansbach, également en Bavière, faisant 15 blessés.
En octobre, un autre réfugié syrien soupçonné de projeter un attentat contre l'un des aéroports de Berlin avait été interpellé dans le land de Saxe. Djaber Albakr s'est suicidé deux jours après son arrestation dans sa cellule de la prison de Leipzig.
Début novembre, un troisième Syrien a été arrêté à Berlin. Soupçonné d'appartenance au groupe Etat islamique, il aurait reçu d'un membre de l'EI en Syrie des instructions pour commettre un attentat en Allemagne.
(Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)