Produire du vin est un art délicat partout dans le monde, surtout quand grêle, gel, canicules ou sécheresses s'en mêlent. Mais c'est dans la région de Mendoza, en Argentine, en Géorgie et en Moldavie, que les viticulteurs, qui cumulent régulièrement ces défis, semblent les plus éprouvés, selon une étude.
Mendoza, au pied des Andes, arrive en tête de ce classement des régions viticoles les plus vulnérables aux intempéries et autres catastrophes naturelles, présenté à Vienne à la réunion annuelle de l'Union européenne des géosciences.
"Mendoza, qui subit des séismes, des inondations, la grêle... toute la gamme des catastrophes naturelles, arrive numéro un", explique James Daniell, de l'Institut de technologie de Karlsruhe, un des créateurs de cet outil inédit par son objectif d'exhaustivité.
La Géorgie et la Moldavie, des "pays dont l'activité viticole constitue une part très importante de la richesse", sont 2e et 3e, ajoute-t-il.
Numéro 4, le nord-ouest de la Slovénie, devant la vallée de Yaruqui en Equateur, et Nagano au Japon, tous deux en 5e position.
L'index, qui inclut aussi des pays plus jeunes dans cette activité (Thaïlande, Népal, Bhoutan...), sera à terme accessible au public (sur winerisk.org) et actualisé chaque année.
Les géophysiciens, géologues, météorologues et économistes européens et australiens qui l'ont compilé ont utilisé des données sur les pertes du secteur remontant à 1900.
L'atlas couvre ainsi quelque 110.000 exploitations dans 131 pays, qui produisent aujourd'hui 26 milliards de litres annuels, indique le chercheur.
- Votre verre à l'abri? -
Le marché vinicole pèse environ 275 milliards d'euros annuels. Mais "il est hautement vulnérable", rappelle M. Daniell: quelque 10% de la production est perdue chaque année du fait des intempéries et cataclysmes naturels.
Ainsi en 2012-2016, la grêle a coûté à la Bourgogne jusqu'à 50% de sa vigne selon les exploitations, pointe l'étude.
En 2010, le Chili a perdu 125 millions de litres en raison d'un séisme de grande ampleur -- un type de risque auquel la Californie reste la plus exposée, devant le Chili et le Japon.
La semaine dernière, la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne et la Hongrie ont subi un épisode de gel qui pourrait emporter 30% de leur production. En France, ces gelées ont détruit au moins 10% du vignoble, et jusqu'à 30%-50% de certaines appellations en Occitanie (sud-ouest), selon les professionnels.
M. Daniell constate une "tendance accrue" à la grêle dans le nord-est de la France et le sud de l'Allemagne ces dernières années. Ce type d'intempéries a en revanche reculé en Chine.
Avec leur index, les chercheurs espèrent aider les vignerons à mieux se préparer aux aléas, en mettant en évidence les tendances de long terme.
Ainsi, si une région est exempte de grêle depuis plusieurs années, les viticulteurs peuvent s'appuyer sur l'historique pour tenter de comprendre s'il s'agit d'un hiatus temporaire.
"Les données remontent à 1900. Les producteurs peuvent voir s'ils sont dans un lieu à risque... et agir pour tenter de se prémunir", dit M. Daniell.
"Les séismes dans le monde ont généré pour la viticulture environ cinq milliards de dollars de pertes ces six dernières années. Beaucoup de dommages pourraient être évités via des pratiques différentes et peu coûteuses: attacher les bouteilles par exemple".
Parmi d'autres mesures possibles, s'équiper de canons anti-grêle, de systèmes d'arrosage antigel, surélever les cuves, adapter ses assurances...
L'index s'adresse d'ailleurs aussi aux compagnies d'assurance, aux pouvoirs publics, "ou simplement au particulier curieux de voir si son verre de vin favori est à l'abri".
Il ne propose en revanche pas de projections pour l'avenir. Mais sa mise à jour se veut utile dans un contexte de climat déréglé, qui pourrait bien ouvrir de nouvelles régions viticoles et modifier les pratiques dans d'autres.