par Marc Joanny
PARIS (Reuters) - Les investisseurs n'anticipent pas une accélération des réformes en France après la clarification de la ligne économique et la nomination du gouvernement Valls II qui sont perçues comme favorables pour la Bourse et le maintien de taux d'intérêt bas.
L'arrivée au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique d'Emmanuel Macron, ex-banquier d'affaires chez Rothschild et ancien conseiller économique de François Hollande, en remplacement d'Arnaud Montebourg, mais avec un portefeuille plus large, est perçue comme un signal contribuant à renforcer la crédibilité de l'exécutif vis-à-vis de l'Union européenne.
"Nous pensons que cette nomination est un message politique très fort destiné à mettre un terme à la confusion sur les politiques économiques qui prévalait jusqu'à présent et qui aidera à accélérer le processus de réformes", notent les analystes de Barclays.
"Nous n'anticipons pas de nouvelles annonces au-delà (...) du 'pacte de responsabilité' (...) mais ce qui a été annoncé va rester en place", soulignait toutefois ING dans une note de recherche publiée avant la formation du gouvernement.
"Si le refus de faire marche arrière est certainement un bon signal, il y a peu de marges de manoeuvre pour aller plus loin dans les réformes", ajoutait la banque.
Le catalogue des réformes "radicales" appelées de leurs voeux par les investisseurs est connu, des coupes dans les effectifs de la fonction publique à la réduction des dépenses sociales en passant par la suppression des 35 heures et l'assouplissement des modalités de licenciement notamment.
Mais ils ne nourrissent guère d'illusion sur la capacité du gouvernement à les conduire quand ils ne mettent pas en doute leur bien-fondé dans l'immédiat.
"Les réformes de flexibilité visent les horizons longs et sont en revanche porteuses de déflation et plutôt pénalisantes pour le cycle à court terme", rappelle ainsi Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de l'institut Xerfi.
"Soyons clair, la nouvelle politique (du gouvernement) n'est évidemment pas favorable à la croissance et ne nous rend pas optimiste sur le produit intérieur brut pour les deux prochaines années", préviennent les économistes de la Société générale.
"Mais une mise en oeuvre claire du programme français conduira à un écart de taux durablement très faible entre le rendement des OAT françaises et des Bunds allemands et nous amène à maintenir notre objectif pour le CAC 40 à 7.000 points fin 2016", ajoutent-ils.
L'IMMOBILIER-BTP EN PREMIÈRE LIGNE
Les analystes d'Exane BNP Paribas veulent croire que la clarification sur la ligne économique du gouvernement signifie que les transferts en faveur des entreprises vont continuer.
Le pacte de responsabilité et ses 40 milliards de baisse d'impôts et de charges en faveur des entreprises est en effet loin d'être pleinement entré en vigueur.
Les entreprises n'ont pour l'heure bénéficié que de la première tranche du CICE (crédit d'impôt compétitivité-emploi), soit 12 milliards depuis avril, tout le reste - les baisses de cotisations patronales, la deuxième tranche du CICE, la C3S, la réforme de la fiscalité sur les bas salaire, la baisse de l'IS - étant à venir.
La confirmation attendue des réductions d'impôt pour les entreprises soutiendra les marges bénéficiaires notamment des valeurs moyennes tandis que le secteur de l'immobilier profitera de mesures annoncées de relance du logement.
Pour les équipes d'Exane BNP Paribas, les quelque 40 milliards pour les entreprises à l'horizon 2017 se traduiront par une amélioration de 1,2 point de pourcentage de leurs marges portée à 3 points de pourcentage dans les trois à six prochaines années, grâce à la modération salariale.
"Les valeurs moyennes françaises sont de notre point de vue les principales bénéficiaires de la confirmation d'une politique favorable aux entreprises que représente le remaniement gouvernemental", écrivent-ils dans une note publiée mardi.
"Ce sont les valeurs les plus concernées par un scénario de reprise et par les réformes envisagées parce qu'elles ont une part plus importante de leurs effectifs localisée en France que les grosses capitalisations (40% contre 30%) et des marges d'EBITDA plus faible (12,2% contre 19,7%)."
Pour eux, les entreprises les plus exposées au marché français et les plus intensives en main-d'oeuvre ont le potentiel haussier le plus fort avec des secteurs comme les loisirs, les services support, les services informatiques, les télécoms mais aussi les cliniques de soins et maisons de retraite, la construction, les concessions et l'immobilier.
Estimant que le secteur du logement devrait être particulièrement sous les projecteurs en raison des mesures de relance attendues, potentiellement dès cette semaine, ils identifient quatre valeurs qu'ils jugent comme les plus attractives dans le cadre de la politique "pro-entreprise" que confirme le remaniement : Nexity crédité d'une potentiel haussier de 19% avec in objectif de cours à 36 euros, Orpea (18% et objectif de cours à 58,50 euros), Korian-Medica (22% et objectif de cours à 33 euros) et Eiffage (40% et objectif de cours à 65 euros).
CESSIONS DE PARTICIPATIONS
Une orientation plus clairement social-démocrate signifie-t-elle que le gouvernement pourrait envisager une nouvelle vague de privatisations à l'instar de celle conduite par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin entre 1997 et 2002 ?, s'interrogent aussi les analystes d'Exane BNP Paribas.
Sans l'exclure, ils rappellent que Manuel Valls avait dès son arrivée à Matignon il y a près de cinq mois plaidé pour une gestion dynamique des participations de l'Etat dans les entreprises publiques.
Le remplacement d'Arnaud Montebourg au ministère de l'Economie par Emmanuel Macron est aussi perçu comme la promesse d'une approche plus pragmatique et moins politique du "patriotisme économique".
L'interventionnisme du ministre du Redressement productif dans des dossiers comme le sauvetage de PSA Peugeot Citroën, le rapprochement d'Alstom et de General Electric, la reprise de l'opérateur télécoms SFR par Altice ou encore la tentative avortée d'acquisition de Daily Motion par Yahoo a en effet été très diversement apprécié.
La confirmation de Ségolène Royal dans ses attributions suscite en revanche des réactions plus contrastées.
Son projet de loi sur la transition énergétique a certes été largement salué, mais sa décision annoncée en juin d'annuler une hausse de 5% des tarifs de l'électricité qui devait intervenir le 1er août a lourdement pesé sur le cours de l'action EDF.
Les exploitants de concessions autoroutières n'ont guère trouvé en Ségolène Royal, eux non plus, une avocate de leur cause. Elle n'a pas caché son intention de les mettre à contribution pour compenser le manque à gagner lié à la suspension de l'écotaxe. Elle n'a pas non plus fait mystère de ses doutes sur le plan autoroutier prévoyant une extension de la durée des concessions en contrepartie d'investissements.
(Edité par Yves Clarisse)