Pour la première fois de son histoire, l'Argentine accueille les chefs des plus grandes puissances mondiales lors du G20, vendredi et samedi, alors même qu'elle vit son pire moment économique depuis la crise de 2001.
Arrivé au pouvoir fin 2015 pour un mandat de quatre ans, le président argentin de centre-droit Mauricio Macri, fils d'un Italien ayant fait fortune en Argentine, a vécu en 2018 la pire année de sa vie: la 3e économie d'Amérique latine a été foudroyée par deux crises monétaires et le peso a perdu 50% de sa valeur face au dollar.
L'inflation annuelle dépassera les 45% et la récession s'est installée: à 2,6% en 2018 et 1,6% pour 2019, prévoit le Fonds monétaire international (FMI). Une sécheresse historique a également privé le pays d'une entrée de devises liées aux exportations agricoles, inférieures aux années précédentes.
Pour stabiliser une économie historiquement fragile, le président a sollicité un prêt au FMI. Le fonds a débloqué 56 milliards de dollars, moyennant de profondes réformes, notamment une réduction du budget de l’État pour atteindre l'équilibre en 2019.
En 2016, "quand la décision d'organiser le sommet du G20 à Buenos Aires a été prise, l'attente était que le gouvernement Macri allait servir de vitrine pour ses réformes (ndlr: après 12 ans de gestion des époux Kirchner, en rupture avec les marchés).
L'Argentine semblait alors une des bonnes nouvelles, de par sa politique réformiste pro-marchés disposant d'un soutien populaire", rappelle Bruno Binetti, spécialiste en relations internationales de l'Université Torcuato di Tella à Buenos Aires.
Le dernier grand rendez-vous international en Argentine avait été le Sommet des Amériques, à Mar del Plata en 2005, où les chefs d'Etat de la gauche latino-américaine, Nestor Kirchner et Hugo Chavez en tête, avaient enterré le projet de zone de libre-échange continentale, infligeant un camouflet au président américain George W. Bush.
Treize ans plus tard, la physionomie de l'Amérique latine a changé: les gouvernements de gauche ont disparu dans les grands pays de la région et ne subsistent qu'au Venezuela, au Nicaragua et en Uruguay.
- Optimisme -
En arrivant au pouvoir, Mauricio Macri a supprimé le contrôle des changes, a considérablement réduit les subventions aux factures d'électricité et gaz, aux transports, ce qui a entamé le pouvoir d'achat des Argentins.
En avril, puis en août, le peso a dévissé, victime du manque de confiance des investisseurs et des Argentins, pour lesquels le dollar est la traditionnelle monnaie-refuge dans les moments de doute. Après une longue période de turbulences, deux mois de calme économique sans soubresauts invitent désormais les experts à l'optimisme.
L'année 2018 a été une année de fortes mobilisations, de grèves générales, d'arrêts de travail dans les transports publics et aériens, pour exiger des revalorisation salariales.
Vendredi, une grande manifestation est prévue à Buenos Aires en marge du G20.
"Le G20 va durer un jour. Le second jour, ils vont tous partir à cause des incidents qui vont éclater. Les gens ont faim et ils viennent faire un G20 ici?", se plaint Jesus Olgin, un vendeur ambulant du centre de Buenos Aires.
Candidat à sa réélection l'an prochain mais avec une cote de popularité en chute libre, Mauricio Macri veut capitaliser sur le G20 et le soutien que lui témoignent les grands de ce monde, comme Donald Trump (Etats-Unis), Emmanuel Macron (France), Shinzo Abe (Japon), Angela Merkel (Allemagne), Justin Trudeau (Canada).
"Les leaders les plus importants du monde vont venir, une marque de soutien à l'Argentine", salue le président argentin.
Pour le politologue Rosendo Fraga, la grande opportunité que Macri s'apprête à saisir est la série de rencontres bilatérales, avec les présidents des Etats-Unis, de Chine, de France, de Russie, du Japon et les chefs de gouvernement britannique et allemand.
"Dans ces rencontres, dit-il, l'Argentine aura des appuis et des éloges. Le cadre économique et commercial multilatéral s'affaiblissant, les relations bilatérales se renforcent".