Le leader de l'opposition irlandaise, Enda Kenny, a entamé dimanche les négociations en vue d'une coalition gouvernementale, après sa victoire sans majorité absolue aux législatives, tout en exigeant de Bruxelles une renégociation immédiate du plan de sauvetage de l'île.
Sans attendre l'annonce des résultats définitifs, qui ne devrait pas intervenir avant lundi, Enda Kenny a dès samedi soir revendiqué la victoire, qu'il a qualifiée de "révolution démocratique", dans une allusion aux soulèvements dans le monde arabe.
Selon des résultats partiels portant dimanche soir sur environ 90% des sièges, sa formation le Fine Gael (centre) a remporté plus de 36% des suffrages, humiliant le Fianna Fail, parti du Premier ministre sortant Brian Cowen, première victime de la crise de la dette en Europe.
L'organisation centriste, qui dominait la vie politique irlandaise depuis 80 ans, fait les frais d'un scrutin en forme d'exutoire à la crise: avec seulement 17% des voix, elle devrait voir le nombre de ses sièges divisé par trois. Le vote confirme la fin de la carrière de Brian Cowen, qui ne se représentait pas et qui a totalement renoncé à la politique.
Mais le raz-de-marée Fine Gael n'a pas été suffisant pour lui conférer une majorité absolue, contraignant Enda Kenny à rechercher une alliance avec le Labour, une formation de gauche avec qui le Fine Gael a déjà gouverné à plusieurs reprises et qui a recueilli près de 20% des voix.
"Le Labour est prêt à s'asseoir à la table des discussions avec le Fine Gael", a indiqué dimanche le chef de file du Labour, Eamon Gilmore. "Aucun contact" n'a pour l'instant eu lieu, a-t-il cependant déclaré à la télévision RTE, estimant qu'il fallait agir rapidement: "nous devons former un gouvernement avant la rentrée parlementaire" du 9 mars, date de l'investiture officielle du nouveau Premier ministre.
"Je ne veux pas que les choses traînent. Je vais décider très rapidement", avait déclaré samedi soir Enda Kenny, disant étudier "toutes les options".
"La meilleure issue est une coalition" avec le Labour, plutôt qu'une alliance ponctuelle fragile avec des députés indépendants, a estimé dimanche le très influent Garrett FitzGerald, ancien leader du Fine Gael.
Des "discussions nourries" vont être nécessaires pour former une coalition, souligne le Sunday Business Post, évoquant "le gouffre" qui sépare le Labour et le Fine Gael.
Tandis que le Fine Gael, sorte de parti siamois du Fianna Fail, accepte globalement l'austérité décrétéé par le gouvernement sortant, le Labour exige un assouplissement, en repoussant de deux ans, à 2016 contre 2014, l'échéance que s'était fixé Brian Cowen pour ramener les déficits à 3% du produit intérieur brut, contre 32% en 2010.
Le plan de sauvetage international de l'île, signé avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international, accorde à Dublin jusqu'en 2015 pour juguler les déficits publics.
Enda Kenny a rappelé dès samedi soir que la renégociation de ce plan représentait une priorité. "Nous allons agir là-dessus la semaine prochaine", a-t-il dit, soulignant l'urgence du calendrier tandis qu'approche le sommet européen de la fin mars.
Durant la campagne, le futur Premier ministre a promis d'exiger une réduction du taux d'intérêt auquel l'UE prête à Dublin, dans le cadre du plan d'aide, et qu'il juge "punitif". Il entend également demander aux détenteurs d'obligation qu'ils supportent une partie des pertes.
Négociations à Bruxelles sur le plan et à Dublin sur une coalition: Enda Kenny ne connaîtra "pas de lune de miel", avertit le Sunday Business Post.