La crise des déficits grecs encourage les gouvernements européens à vouloir jouer davantage la même partition sur le plan économique à l'avenir, y compris dans leurs choix budgétaires stratégiques et de réformes, et avec une surveillance renforcée.
Les pays de la zone euro, en première ligne avec les problèmes rencontrés par la Grèce, prévoient d'aller de l'avant pour mieux coordonner leurs choix économiques.
Et les dirigeants de l'ensemble de l'Union européenne se réunissent en sommet le 11 février afin de commencer à ébaucher une stratégie de croissance pour les dix ans à venir, qui devra avoir "des mécanismes plus stricts de coordination" entre pays, a prévenu mercredi le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
La crise grecque, en accélérant un mouvement déjà engagé, "est un tournant très important dans l'histoire de l'Union monétaire", créée en 1999 avec le lancement de l'euro, souligne Jacques Cailloux, économiste de la banque Royal Bank of Scotland.
"On a une situation sans précédent, qui teste le système. Les réponses qui vont être mises en place, vont donner une ligne directrice pour les décennies qui viennent en termes de coordination" budgétaire, juge-t-il.
Sur le plan budgétaire, les responsables européens, au premier plan la Commission à Bruxelles, ont décidé de travailler très étroitement avec la Grèce pour mettre en place des mesures concrètes de réduction de ses déficits.
Et pour l'avenir Bruxelles a demandé à pouvoir doter son Office statistique, Eurostat, de "compétences d'audit" des chiffres envoyés par les pays de l'UE, après la déconvenue grecque: Athènes a subitement revu ses prévisions de déficit en forte hausse fin 2009.
Pour Jacques Cailloux, c'est "un premier pas" vers "un cadre de coordination budgétaire beaucoup plus centralisé".
Car le Pacte de stabilité européen, qui fixe une limite aux déficits nationaux annuels, n'a jusqu'ici pas eu les résultats escomptés.
"Quelle est la force coercitive du Pacte de stabilité?", s'interroge Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.
A ce jour, aucun pays européen n'a jamais été sanctionné financièrement pour ses déficits. Mais la crise que traverse la Grèce "montre bien qu'il manque quelque chose" dans l'arsenal européen, souligne-t-il.
Au-delà des déficits, les responsables européens se mobilisent aussi sur un autre front: une plus grande coordination des politiques économiques à long terme, pour moderniser les pays et investir dans les nouvelles technologies.
Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, reconduit cette semaine pour un nouveau mandat de deux ans et demi, veut promouvoir plus efficacement une gouvernance économique commune des seize pays qui le composent, avec une surveillance élargie des grands choix économiques nationaux.
La France milite depuis longtemps pour cette idée que le président français Nicolas Sarkozy a résumé sous le terme controversé de "gouvernement" de la zone euro.
Dans le cadre de la nouvelle stratégie de croissance de l'UE pour les dix ans à venir, la présidence espagnole a également plaidé pour une forme de "gouvernement" économique européen, avec possibilité de "mesures correctives" pour les pays récalcitrants.
Une menace déjà rejetée par plusieurs pays, ce qui illustre les obstacles à surmonter: nombre de gouvernements n'ont aucune intention de se laisser dicter leurs choix économiques nationaux.
"Il faudrait faire de l'Union monétaire européenne une zone monétaire plus intégrée", avec "des transferts fiscaux d'une région à l'autre, sur le modèle du fédéralisme allemand ou espagnol", estime Sylvain Broyer. Or, "politiquement, on en est très loin".