Le Comité central d'entreprise (CCE) d'Air France, un des plus puissants de France, est dans la tourmente pour sa gestion entre début 2007 et fin 2009 par la CFDT, après un audit de ses comptes qui fait apparaître, selon Le Figaro, un trou de 21 à 24 millions d'euros.
Ce trou "inexpliqué" relèverait, pour 95%, d'une mauvaise gestion et 5% d'un possible enrichissement personnel, d'après le Figaro.
Les cinq anciens élus du bureau du CCE (trois CFDT, deux CFE-CGC) ont aussitôt dénoncé un "délit de mensonges" et annoncé une possible plainte en diffamation.
Le CCE, qui compte 300 salariés, gère notamment des centres de vacances, des sorties culturelles et des aides à la petite enfance pour les 63.000 agents Air France. La compagnie verse pour cela l'équivalent de 3,11% de la masse salariale chaque année, soit quelque 87 millions d'euros en 2009, répartis entre le CCE (45 millions d'euros) et huit comités d'établissement (CE) couvrant l'ensemble des catégories de personnels (navigants, siège...).
L'audit a été demandé en septembre par plusieurs syndicats, dont la CFDT.
"Il n'y a aucun trou dans le budget du CCE" car après un déficit de 8,8 millions en 2007, 3 millions en 2008, en 2009 il est à l'équilibre, d'après les anciens élus. D'après Air France toutefois, les comptes 2008, "visés par un commissaire aux comptes", étaient "positifs".
"Il reste un problème récurrent de décalage de trésorerie", pour lequel l'entreprise a versé une avance de 10 millions mi-décembre 2008 et de nouveau 10 millions fin 2009, a déclaré François Cabrera, ancien secrétaire général (CFDT) du CCE.
Ces deux chiffres, des avances sur les subventions 2009 et 2010 versées par la compagnie au CCE, ont été confirmés par la direction d'Air France, qui affirme "ne pas avoir connaissance" du rapport d'audit à ce stade et ne dispose "d'aucun pouvoir d'intervention" sur le CCE.
Le gouvernement va "demander des explications" au président d'Air France.
Des syndicats de la compagnie sont prêts à porter plainte contre l'équipe du CCE entre mars 2007 et le 3 novembre 2009, date à laquelle un bureau provisoire en a pris les rênes pour "sauver" cette instance.
"Nous irons jusqu'au bout", a clamé la CFTC.
La décision d'un recours pourrait être prise dès mardi en réunion extraordinaire de CCE, après la présentation lundi de l'audit à la commission financière du CCE.
"Nous avons formulé des doutes à de nombreuses reprises sur les comptes et il ne faut pas oublier les gestions précédentes", a estimé un porte-parole du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), dont un représentant a pris la tête du CCE, au moins jusqu'à la restitution de l'audit.
Avant la CFDT, c'est la CGT qui menait le Comité. En 2005, il avait fait l'objet d'un audit après des soupçons de malversations. "Le cabinet avait souligné notre bonne gestion", s'est défendue la CGT.
"Tout cela relève d'une cabale à un an et demi des élections professionnelles", a jugé Cyril Jouan (CFDT).
L'enjeu est aussi, selon lui, le rôle du CCE ou des CE dans la gestion des oeuvres sociales, le premier assurant "une égalité des prestations entre les salariés", à l'inverse des seconds.
Selon Sud-Aérien aussi, le CE des navigants (45% de la masse salariale pour 35% des effectifs) se désolidarise des autres CE.
Le CCE d'Air France n'est pas le premier à être dans le collimateur ces dernières années, la Cour des comptes avait épinglé en 2005 et 2007 des irrégularités de gestion à l'ancien CCE d'EDF-GDF. A la SNCF, une information judiciaire pour "abus de confiance" avait été ouverte en 2006 sur le CE de Lyon. Chez Eurodisney, une enquête préliminaire a été lancée récemment après une plainte de FO pour "malversations" et "escroquerie".