Le plongeon inattendu de la production industrielle en Allemagne en mai a envoyé lundi un très mauvais signal pour la croissance de la première économie européenne au deuxième trimestre.
Selon l'Office fédéral de statistiques Destatis, la production industrielle dans le pays a diminué de 1,8% en mai par rapport à avril, en données corrigées des variations saisonnières.
"Une mauvaise surprise", a réagi dans une note Ralph Solveen, analyste de Commerzbank. D'après le consensus réalisé par l'agence Dow Jones Newswires, les analystes escomptaient en moyenne un surplace par rapport à avril.
Cela "n'augure rien de bon pour la croissance au deuxième trimestre", juge Evelyn Herrmann, de BNP Paribas.
Destatis a également révisé en baisse le chiffre d'avril, mois où la production industrielle est finalement ressortie en repli de 0,3%, alors qu'une hausse de 0,2% avait été annoncée précédemment.
Le repli de mai marque donc la troisième baisse consécutive de cet indicateur, un phénomène qui n'avait plus été observé depuis l'été 2012, relève Carsten Brzeski, d'ING, pour qui l'industrie, pilier de l'économie allemande, "fait du surplace".
Sur une période de trois mois (mars-mai comparé à décembre-février) la production industrielle de la première économie européenne a flanché de 1,1%.
Dans le détail, en mai, la production de biens intermédiaires a diminué de 3% sur un mois et celle de biens de consommation, de 3,5% tandis que celle de biens d'équipements a très faiblement augmenté (+0,3%). Le recul est de 4,9% dans le secteur du BTP.
"Nous nous attendions à une faiblesse de la construction", souligne Mme Herrmann. Dans le bâtiment, très dépendant des conditions météorologiques, l'activité est en effet restée soutenue tout l'hiver sur fond d'hiver clément. Le traditionnel rebond de printemps n'a donc pas lieu d'être.
"La faiblesse est toutefois au-delà de nos attentes", note l'économiste, également déçue par la contre-performance de l'industrie manufacturière.
- La géopolitique pèse-
"En plus des ponts liés aux jours fériés en mai et du faible développement dans la construction (...), des facteurs géopolitiques pourraient aussi avoir joué un rôle", a expliqué dans un communiqué le ministère de l’Économie.
L'économie allemande, fortement exportatrice, ne peut pas rester insensible à la crise qui secoue l'Ukraine et aux tensions en Irak. Les exportations à destination de Russie ont chuté de 14% sur les quatre premiers mois de l'année, selon un chiffre publié il y a peu.
Le moral des entrepreneurs, mesuré par le baromètre Ifo, avait d'ailleurs accusé le coup en juin.
"Il devient de plus en plus évident que le deuxième trimestre va se révéler beaucoup plus faible que le début de l'année, et pas seulement à cause des effets liés au climat souvent mentionnés", juge M. Solveen.
Après un démarrage en fanfare et une croissance allemande de 0,8% au premier trimestre, les économistes tablent sur une progression faible voire nulle du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre. "Mais la croissance ne devrait pas être négative", affirme Mme Herrmann.
La Bundesbank avait prévenu de longue date que le rythme du début d'année ne pourrait pas être tenu au printemps.
Le ministère de l’Économie fait néanmoins remarquer que "les indicateurs de confiance et le contexte économique vont dans l'ensemble dans le sens d'une poursuite de la reprise de la production industrielle au cours de l'année après un deuxième trimestre faible".
Dans l'hypothèse d'une détente géopolitique, notamment en Ukraine et en Irak, le frein à la croissance allemande pourrait se relâcher dès le second semestre, prédit Stefan Kipar, de Bayern LB.
La Bundesbank et les principaux instituts de conjoncture allemands attendent une croissance de 1,9% pour cette année, après 0,4% en 2013. Le gouvernement table de son côté sur 1,8%.