L'OMC a sommé lundi les Etats-Unis d'éliminer leurs subventions au secteur aéronautique et notamment à Boeing, qui ont causé à l'UE et à Airbus "un grave préjudice".
Dans une décision d'appel de 700 pages à un conflit vieux de plusieurs années, l'Organe d'appel de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) indique que les Etats-Unis ont un délai de six mois pour se mettre en conformité avec ses recommandations.
Les deux parties, les Etats-Unis et l'Union européenne, ont immédiatement réagi en criant chacun victoire, comme elles ont pris l'habitude de le faire à chaque étape de ce feuilleton judiciaire devant l'OMC, plus gros confilit commercial de l'histoire.
La décision d'appel modifie toutefois en plusieurs points la décision en première instance rendue en mars 2011.
En appel, l'OMC indique notamment que les subventions pour la recherche et le développement aéronautique des Etats-Unis ont "causé un préjudice grave aux intérêts des Communautés européennes" pour le marché des long-courriers de 200 à 300 sièges.
Le rapport indique aussi que ces subventions ont "contribué de manière réelle et substantielle au développement par Boeing de technologies pour le 787, le +dreamliner+ en 2004", qualifié du coup par l'avionneur européen Airbus "d'aid-liner"
En conséquence, l'organe d'appel "recommande que les Etats-Unis prennent des mesures appropriées pour éliminer les effets défavorables" qui ont "été causés par leur recours à des subventions", ou qu'ils prennent des mesures "pour retirer ces subventions".
L'avionneur européen estime que l'organe d'appel a revu à la hausse le montant estimé des subventions (au moins 5,3 milliards auxquels s'ajouteraient "quelques autres milliards") quand les Etats-Unis assurent que leur champion industriel a reçu quatre à six fois moins de subventions publiques que son concurrent européen. Boeing accuse ainsi Airbus d'avoir touché quelque 18 milliards de dollars d'aide, et d'avoir ainsi perdu l'équivalent de 342 commandes.
La Commission européenne de son côté a salué "la décision d'appel de l'OMC qui confirme que des milliards de dollars de subventions américaines accordées à Boeing sont illégales en vertu des règles de l'OMC".
L'UE et les Etats-Unis avaient reçu copie de ce jugement à titre confidentiel le 29 février et ont eu le temps de l'étudier pendant 15 jours.
"Aujourd'hui, l'UE a obtenu une victoire importante devant l'OMC", s'est félicité le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.
Dans ce dossier, les juges de l'OMC avaient estimé le 31 mars 2011 en première instance que certaines de ces aides américaines constituaient des subventions contraires aux règles du commerce mondial. Les juges les avaient alors chiffrées à "au moins 5,3 milliards de dollars" pour la période 1989-2006.
"Le rapport de l'organe d'appel confirme et élargit la portée de la condamnation prononcée par l'OMC sur les subventions massives illégales octroyées à Boeing", affirme lundi Airbus, filiale d'EADS, dans un communiqué, estimant toujours son propre préjudice commercial à 45 milliards de dollars.
De son côté, Boeing indique que l'Organe d'appel a "considérablement réduit les précédentes conclusions de l'OMC sur le préjudice subi par Airbus suite aux subventions américaines".
"Cette décision, poursuit Boeing, confirme que le soutien apporté par le gouvernement américain à Boeing, tant par son montant, ses effets et sa nature, est minime en comparaison des subventions massives versées par l'Union européenne à Airbus".
Le représentant américain au Commerce extérieur Ron Kirk a revendiqué de son côté, dans un communiqué une "victoire formidable" à l'OMC, indiquant qu'à "chiffres comparables", l'organisation genevoise avait décelé seulement "trois à quatre milliards de dollars" de subventions illégales américaines, soit les 5,3 milliards confirmés par l'OMC moins les sommes versées à la Nasa américaine, que Washington refuse de considérer comme des aides illégales. "Le point de vue des Etats-Unis a prévalu", s'est félicité M. Kirk.
Le gouvernement français a de son côté salué la décision de l'OMC, y voyant "une victoire importante pour l'Union européenne" et espérant que les Etats-Unis s'y conformeront avec des mesures "solides".
Paris souligne que la plupart des griefs soulevés du côté américain contre la décision précédente ont été rejetés, et que l'organe d'appel "n'a en outre pas hésité à condamner certaines subventions qui ne l'avaient pas été en première instance".
L'avionneur européen et son rival américain s'affrontent depuis octobre 2004 devant l'OMC par le biais de leurs autorités respectives, qui ont déposé deux plaintes simultanées dénonçant les aides publiques accordées à chacun d'entre eux.