L'Allemagne va ratifier le pacte budgétaire européen et le fonds de secours MES, après qu'Angela Merkel a fait jeudi des concessions marginales à l'opposition en matière de croissance et de taxation des marchés.
Elle a toutefois refusé tout compromis sur ce qui suscite aujourd'hui les plus brûlants débats en Europe, à savoir une éventuelle mutualisation des dettes.
"C'est dans l'ensemble un bon résultat que je pourrai défendre avec une certaine confiance devant (les députés sociaux-démocrates du SPD) pour promouvoir la ratification du pacte" budgétaire, a estimé lors d'un point-presse Frank-Walter Steinmeier, qui emmène le groupe parlementaire social-démocrate.
Depuis le début de la crise en zone euro, les sociaux-démocrates allemands ont toujours soutenu le gouvernement Merkel au moment des votes décisifs. Ils se sont fait davantage prier cette fois, encouragés en particulier par les victoires électorales des socialistes français.
Le chef de file des écologistes Cem Özdemir a également constaté que le gouvernement "avait fait un pas" vers les Verts.
La gauche radicale Die Linke persiste elle dans son refus et, faute de poids suffisant au Parlement, entend bloquer le processus devant la Cour constitutionnelle.
Les juges appelés à trancher
Cette dernière a demandé jeudi au président fédéral Joachim Gauck de retarder sa signature du texte sur le MES et le pacte, de manière à examiner une plainte potentielle.
Mme Merkel tient à faire ratifier de manière simultanée les deux instruments, bien que le pacte budgétaire lui-même n'entre en vigueur qu'à partir du 1er janvier 2013. Elle a pour cela besoin des voix de l'opposition, afin de réunir la majorité requise des deux tiers au Parlement allemand.
Le vote doit être bouclé le 29 juin, juste à temps pour la mise en oeuvre prévue le 1er juillet du MES, qui pourrait être mis à contribution pour les banques espagnoles. L'intervention de la Cour constitutionnelle risque toutefois de bouleverser ce calendrier.
Jusqu'ici le pacte budgétaire cher à Mme Merkel, qui est censé durcir le contrôle des finances nationales en Europe, n'a été ratifié que par une poignée de pays.
L'accord trouvé entre les deux camps a pour "élément essentiel une mise à contribution du secteur financier" sous la forme d'une taxe sur les transactions internationales, selon un communiqué du gouvernement.
La chancelière conservatrice a accepté de défendre avec plus de vigueur cette idée, qu'elle soutenait jusqu'ici à condition que la taxe soit introduite par tous les pays de l'Union européenne ou au moins de la zone euro, une hypothèse peu réaliste.
Désormais, Berlin souhaite une introduction de cet instrument avant la fin de l'année et avec la "participation active d'au moins neuf Etats".
Pour le reste, M. Özdemir a assuré que Mme Merkel "avait renoncé à une stratégie de la seule rigueur", au vu des quelques concessions faites en matière de croissance.
Berlin confirme son soutien à une augmentation des moyens de la Banque d'investissement européenne, et va demander une nette augmentation du programme de "project bonds" engagé par Bruxelles.
Le gouvernement allemand réclame désormais de porter à 1 milliard d'euros contre 230 millions d'euros jusqu'ici le volume prévu pour ces obligations communes destinées à financer des grands chantiers.
Cet instrument n'a toutefois rien à voir avec les fameuses "euro-obligations" réclamées par certains pays européens, que Mme Merkel refuse et qui sont loin de faire l'unanimité même au sein de la gauche allemande.
Les Verts ont de leur côté fait longtemps pression pour évoquer dans l'accord avec le gouvernement une autre forme de mutualisation de la dette en Europe, en l'occurrence la mise en place d'un "fonds d'amortissement" destiné à refinancer et épurer la part de la dette publique supérieure à 60% du produit intérieur brut des Etats de la zone euro.
Mme Merkel n'a toutefois pas cédé, et cette idée, chère également à la France, est totalement passée sous silence dans le texte de l'accord trouvé jeudi.