Sans argent ni savoir-faire, Federico et Guido ont fondé il y a neuf ans Grom, devenu depuis un petit empire de la glace à l'italienne, et jugent que, malgré la crise, l'Italie offre toujours de "grandes opportunités".
En 2003, ces deux amis ont moins de trente ans quand ils décident d'ouvrir leur première boutique de glaces à Turin (Piémont, nord).
"L'idée", c'est Guido Martinetti, aujourd'hui âgé de 37 ans, qui l'a, raconte à l'AFP son compère Federico Grom, 39 ans.
Lisant un article dans lequel Carlo Petrini, fondateur du mouvement écolo-gastronomique Slow Food, regrettait que l'on ne trouve plus "de glaces faites avec des matières premières excellentes", Guido, oenologue de formation, se jure de le contredire et fait part de son projet à son ami.
Federico, alors directeur financier dans une entreprise, le prend au mot et monte un business plan aux bases "peu solides", de son propre aveu.
"Aucun de nous deux ne savait faire des glaces, ce qui était un premier problème (...) mais le problème le plus grand était que nous n'avions pas d'argent", sourit Federico dont le look "businessman" décontracté tranche avec celui de Guido, en jean, polo et baskets.
Federico, dont le nom de famille a été donné à l'entreprise, met ses 32.500 euros d'économies dans le projet. Guido contracte un prêt du même montant.
Aujourd'hui, les deux amis, qui ont cédé 5% de leur société au producteur de café italien Illy et 5% à leur partenaire au Japon, sont à la tête de 58 magasins en Italie, en France, aux Etats-Unis et au Japon.
Malgré la crise, qui les a cueillis au beau milieu de leur aventure, leur chiffre d'affaires a bondi de 250.000 euros en 2003 à 30 millions aujourd'hui.
Leur credo: faire des glaces artisanales ayant le goût d'autrefois, avec "l'obsession de l'excellence", des matières premières de grande qualité, sans être trop onéreuses: 2,50 euros les deux boules.
Ce qui les a poussés à racheter en 2007 quinze hectares de terres à Costigliole d'Asti, dans le Piémont. Une ferme qu'ils ont baptisée "Mura Mura", ce qui signifie "doucement" en malgache, signe de leur proximité avec Slow Food, né dans la même région d'Italie.
"Nous voulions cultiver certains fruits afin de gérer l'agriculture et d'avoir les meilleures matières premières pour faire des sorbets d'excellence", explique Guido, en faisant faire le tour du propriétaire.
Ils y produisent en suivant des normes bio l'ensemble de leurs besoins en poires, pêches et abricots, une partie pour les melons et les fraises, et y expérimentent de nouvelles variétés.
Certains puristes jugent toutefois que Grom ne fabrique pas le véritable "gelato" à l'italienne, qui doit être fabriqué entièrement sur le lieu de vente, alors que le glacier produit les "bases" (pulpes de fruits, arômes...) à Turin, avant de les livrer dans ses boutiques, où les glaces sont confectionnées.
L'histoire de Grom est une "success-story" comme l'Italie en a peu connu ces dernières années.
Frappée par une profonde crise, la péninsule voit partir de nombreux jeunes, effrayés par un chômage massif, tandis que le patronat ne cesse de dénoncer une bureaucratie étouffant l'esprit d'entreprise.
Une vision démentie par les patrons de Grom qui croient plus que jamais dans le "bel paese".
Rejetant le "mythe du pays étranger" où "tout est plus facile" même s'il "y a cru aussi à un certain moment", Federico Grom assure avoir rencontré "beaucoup plus d'obstacles bureaucratiques à Los Angeles qu'à Turin, Milan ou Venise".
"L'Italie est un des pays les plus beaux au monde, offre encore de grandes opportunités et est riche de talents", juge-t-il, disant espérer "que de nombreux jeunes croient encore en eux-mêmes car on peut transformer ses rêves en réalité".