PARIS (Reuters) - Des indemnités colossales à payer, un renoncement à une réforme symbolique et une solution de rechange contestée jusqu'au sein de la majorité: la facture économique et politique de la suspension de l'écotaxe risque d'être lourde pour l'exécutif.
Ségolène Royal a annoncé jeudi que le péage de transit poids lourds, qui était déjà une version très allégée de l'écotaxe adoptée par le gouvernement de François Fillon, était suspendu "sine die" face aux menaces de blocage des routes par les transporteurs qui se disent économiquement étranglés.
La ministre de l'Ecologie a affirmé qu'elle comptait ponctionner les "profits" des sociétés d'autoroutes pour compenser les recettes évaporées de la taxe, qui devait rapporter environ 500 millions d'euros annuels pour rénover les infrastructures et financer des modes de transports "verts".
Mais la décision du gouvernement de renoncer à une réforme à forte charge symbolique face à une pression corporatiste, symptomatique des difficultés du gouvernement à affronter les blocages de la société française, aura de lourdes conséquences.
UN COÛT POLITIQUE
Les écologistes, qui soutiennent le projet de loi sur la transition énergétique en cours d'examen au Parlement, se sont dits scandalisés par ce qu'ils voient comme une capitulation.
"Je considère que c'est une erreur absolument désastreuse", a déclaré sur RTL l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot. "Dès qu'il s'agit de passer aux actes, il n'y a plus personne. Il y a une main droite qui parle et une main gauche qui défait."
Les socialistes ont également été pris de court et le président des députés PS, Bruno Le Roux, a dit sur Radio Classique et LCI qu'il ne souhaitait pas une "capitulation".
Après les manifestations violentes des "bonnets rouges" bretons contre l'écotaxe qui devait initialement entrer en vigueur en janvier 2014 et rapporter 800 millions d'euros à l'Etat, une mission d'information de l'Assemblée avait prôné en mai dernier le maintien du dispositif avec des modifications.
Une franchise mensuelle aurait été instaurée afin de ne pas pénaliser les utilisateurs de petites distances qui sont surtout le fait des poids lourds français.
Mais Ségolène Royal, qui avait dès sa nomination préconisé une "remise à plat" de l'écotaxe et avancé pour alternatives un péage de transit aux frontières pour les plus de 3,5 tonnes et une contribution financière des sociétés d'autoroutes, a refusé de reprendre à son compte cette écologie "punitive".
Jean-Paul Chanteguet, président socialiste de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée, a estimé vendredi dans un communiqué que l'abandon de l'écotaxe "constitue une regrettable erreur".
"Sans ces moyens, l'Etat n'est plus en mesure d'assurer sa responsabilité de doter le pays des infrastructures qui sont pourtant à la base du fonctionnement de l'économie", a-t-il ajouté, démontrant que Ségolène Royal risque d'éprouver des difficultés à trouver une majorité pour un nouveau dispositif.
LE COÛTEUX DÉDOMMAGEMENT D'ECOMOUV'
L'abandon probable de l'écotaxe entraînera la dénonciation du contrat signé avec Ecomouv', qui devait grâce à ses portiques la percevoir pour la France, avec un dédommagement à la clé.
Ségolène Royal ne s'est pas prononcée vendredi sur d'éventuelles pénalités à payer pour l'Etat. "On verra", s'est-elle contentée de dire vendredi. Interrogée par BFMTV et RMC sur l'avenir des portiques, la ministre a simplement indiqué qu'elle allait "regarder comment ça se passe".
Evoquant un dispositif mal appliqué aux aspects "pervers", 40% du rendement de cette taxe échappant selon elle aux Français en revenant à la société italienne Ecomouv', Ségolène Royal a au contraire défendu un choix pris "sans aucun état d'âme."
Le président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), le socialiste Philippe Duron, estime que l'Etat devra au total payer entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros à Ecomouv'.
"Il s'agit de 800 millions hors taxe pour l'indemnisation des dépenses engagées, comme la construction des portiques, du centre situé à Metz et des salaires, mais aussi les frais financiers liés aux emprunts", a-t-il déclaré à Reuters.
Il faut selon lui y ajouter deux années de loyer, dont 250 millions pour 2014 et tout ou partie de ce montant pour 2015.
Au total, les besoins annuels de finance
PARIS (Reuters) - Des indemnités colossales à payer, un renoncement à une réforme symbolique et une solution de rechange contestée jusqu'au sein de la majorité: la facture économique et politique de la suspension de l'écotaxe risque d'être lourde pour l'exécutif.
Ségolène Royal a annoncé jeudi que le péage de transit poids lourds, qui était déjà une version très allégée de l'écotaxe adoptée par le gouvernement de François Fillon, était suspendu "sine die" face aux menaces de blocage des routes par les transporteurs qui se disent économiquement étranglés.
La ministre de l'Ecologie a affirmé qu'elle comptait ponctionner les "profits" des sociétés d'autoroutes pour compenser les recettes évaporées de la taxe, qui devait rapporter environ 500 millions d'euros annuels pour rénover les infrastructures et financer des modes de transports "verts".
Mais la décision du gouvernement de renoncer à une réforme à forte charge symbolique face à une pression corporatiste, symptomatique des difficultés du gouvernement à affronter les blocages de la société française, aura de lourdes conséquences.
UN COÛT POLITIQUE
Les écologistes, qui soutiennent le projet de loi sur la transition énergétique en cours d'examen au Parlement, se sont dits scandalisés par ce qu'ils voient comme une capitulation.
"Je considère que c'est une erreur absolument désastreuse", a déclaré sur RTL l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot. "Dès qu'il s'agit de passer aux actes, il n'y a plus personne. Il y a une main droite qui parle et une main gauche qui défait."
Les socialistes ont également été pris de court et le président des députés PS, Bruno Le Roux, a dit sur Radio Classique et LCI qu'il ne souhaitait pas une "capitulation".
Après les manifestations violentes des "bonnets rouges" bretons contre l'écotaxe qui devait initialement entrer en vigueur en janvier 2014 et rapporter 800 millions d'euros à l'Etat, une mission d'information de l'Assemblée avait prôné en mai dernier le maintien du dispositif avec des modifications.
Une franchise mensuelle aurait été instaurée afin de ne pas pénaliser les utilisateurs de petites distances qui sont surtout le fait des poids lourds français.
Mais Ségolène Royal, qui avait dès sa nomination préconisé une "remise à plat" de l'écotaxe et avancé pour alternatives un péage de transit aux frontières pour les plus de 3,5 tonnes et une contribution financière des sociétés d'autoroutes, a refusé de reprendre à son compte cette écologie "punitive".
Jean-Paul Chanteguet, président socialiste de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée, a estimé vendredi dans un communiqué que l'abandon de l'écotaxe "constitue une regrettable erreur".
"Sans ces moyens, l'Etat n'est plus en mesure d'assurer sa responsabilité de doter le pays des infrastructures qui sont pourtant à la base du fonctionnement de l'économie", a-t-il ajouté, démontrant que Ségolène Royal risque d'éprouver des difficultés à trouver une majorité pour un nouveau dispositif.
LE COÛTEUX DÉDOMMAGEMENT D'ECOMOUV'
L'abandon probable de l'écotaxe entraînera la dénonciation du contrat signé avec Ecomouv', qui devait grâce à ses portiques la percevoir pour la France, avec un dédommagement à la clé.
Ségolène Royal ne s'est pas prononcée vendredi sur d'éventuelles pénalités à payer pour l'Etat. "On verra", s'est-elle contentée de dire vendredi. Interrogée par BFMTV et RMC sur l'avenir des portiques, la ministre a simplement indiqué qu'elle allait "regarder comment ça se passe".
Evoquant un dispositif mal appliqué aux aspects "pervers", 40% du rendement de cette taxe échappant selon elle aux Français en revenant à la société italienne Ecomouv', Ségolène Royal a au contraire défendu un choix pris "sans aucun état d'âme."
Le président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), le socialiste Philippe Duron, estime que l'Etat devra au total payer entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros à Ecomouv'.
"Il s'agit de 800 millions hors taxe pour l'indemnisation des dépenses engagées, comme la construction des portiques, du centre situé à Metz et des salaires, mais aussi les frais financiers liés aux emprunts", a-t-il déclaré à Reuters.
Il faut selon lui y ajouter deux années de loyer, dont 250 millions pour 2014 et tout ou partie de ce montant pour 2015.
Au total, les besoins annuels de financement de l'AFITF s'élèvent à environ 1,2 milliards d'euros, destinés notamment à la construction actuellement en cours de quatre lignes LGV mais aussi au développement de transports en commun dans les collectivités, rappelle-t-il.
DES SOLUTIONS DE RECHANGE PEU ÉVIDENTES
Pour compenser le manque à gagner attendu de l'écotaxe, l'AFITF recevra l'année prochaine "un peu plus de 800 millions d'euros" de recettes générées par la hausse de deux centimes des taxes sur le diesel, prévue par le projet de loi de Finances 2015, ajoute Philippe Duron.
Mais les routiers étant exonérés de taxes sur le diesel, ce sont les automobilistes qui financeront les dégâts causés par les poids lourds aux routes françaises.
"On ne peut que regretter que le dispositif de financement qui subsiste désormais porte sur les seuls ménages", disent les Verts dans un communiqué publié vendredi.
En outre, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal estime que les sociétés d'autoroutes, qui ont distribué 15 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires depuis la privatisation, doivent être mises à contribution pour remplacer la taxe suspendue.
Elle assure que ce dispositif n'aura pas d'impact sur le prix des péages, ce qu'a mis en doute le ministre des Finances Michel Sapin, rappelant que les contrats des sociétés d'autoroutes prévoyaient la possibilité d'une compensation en cas, par exemple, de hausse de la fiscalité qui leur est imposée.
Dans un rapport de septembre, l'Autorité de la Concurrence a décrit le régime actuel des concessions autoroutières, qui courent jusqu'aux années 2030, comme une "rente" et appelé à un rééquilibrage entre les intérêts de l'Etat, des opérateurs et des usagers.
(Yves Clarisse, avec Marion Douet)