La Commission européenne a jugé jeudi que l'attribution par la France de chaînes "bonus" aux opérateur historiques TF1, M6 et Canal+ était contraire au droit européen, dans un avis motivé, dernière étape avant le renvoi devant la Cour européenne de justice.
"Le dispositif français octroyant à trois opérateurs historiques, en dehors de toute procédure de mise en concurrence, des canaux de télévision additionnel (canaux compensatoires) est contraire au droit de l'Union, pénalise les opérateurs concurrents et prive les téléspectateurs d'une offre plus attractive", selon la Commission.
Les chaînes bonus ont été attribuées par la loi aux groupes historiques TF1, M6 et Canal+, notamment afin de compenser la baisse d'audience et donc de recettes provoquée par l'apparition de chaînes concurrentes au moment du passage au tout numérique (TNT).
Fin 2010, la Commission avait mis en demeure la France à ce sujet, soulignant qu'au cours des années 2000, en vue du passage au numérique, les opérateurs historiques avaient déjà bénéficié d'avantages importants et qu'il y avait un risque de "surcompensation".
La Commission explique dans son avis jeudi que le dispositif d'attribution de ces canaux, "hors de toute procédure de mise en concurrence", est contraire au droit européen pour plusieurs raisons.
"Tout d'abord, une telle procédure n'est possible que pour autant qu'elle soit nécessaire à atteindre un objectif d'intérêt général, ce qui n'est pas le cas en l'espèce", selon Bruxelles.
"De plus, l'octroi de fréquences à titre de compensation n'apparaît pas proportionné car le prétendu dommage" subi par les opérateurs historiques en raison de l'anticipation de quelques mois de l'extinction de l'analogique "semble négligeable et pourrait même déjà avoir été compensé par des avantages déjà accordés", indique Bruxelles.
La Commission juge enfin qu'"accorder d'office des canaux additionnels à certains opérateurs constitue une discrimination".
La France dispose de deux mois pour se conformer à la législation européenne, faute de quoi la Cour de justice de l'Union pourrait être saisie.
Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Michel Boyon, a déclaré mi-septembre que "si les canaux compensatoires sont jugés non compatibles avec le droit européen, il faudra que le législateur abroge la loi sans attendre".
Les chaînes bonus devaient normalement commencer à diffuser en novembre. Canal+ avait annoncé fin mars qu'elle voulait proposer une chaîne gratuite (Canal 20), suscitant l'opposition de TF1 et M6 qui avaient, elles, demandé de retarder leur mise en place.
La chaîne Canal+ a depuis annoncé le rachat des chaînes gratuites du groupe Bolloré, Direct 8 et Direct Star.