La "Génération Y" des 15-30 ans, présentée par certains comme technophage, impatiente et en quête permanente de sens, n'est-elle qu'un cliché vendeur, ou représente-t-elle un vrai défi pour des entreprises obligées de s'adapter à cette nouvelle population ?
Pour Julien Pouget, consultant et auteur du blog "lagenerationY.com", le phénomène est bien réel.
Il explique à l'AFP qu'au-delà de l'âge, qui place ses représentants de façon arbitraire parmi les jeunes nés entre 1978 et 1994, les "Y" caractérisent "des gens dont la jeunesse a été influencée par le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC)".
Mais ce sont aussi des jeunes qui "ont grandi à l'ère de la mondialisation", ont "une culture de l'instantané" et "veulent tout tout de suite".
Une des autres "grandes caractéristiques de cette génération, c'est de demander tout le temps pourquoi", ce qui explique le Y ("why" en anglais).
Pour M. Pouget, cet aspect constitue un "vrai challenge pour les entreprises" parce que les managers sont habitués à donner des ordres, ce qui "ne marche pas du tout" avec les "Y".
François de Wazières, directeur international du recrutement chez l'Oréal, reconnaît que ces jeunes pour qui "la pression du management n'est pas suffisante", peuvent être "plus complexes à encadrer" et admet que leur niveau d'exigence "peut être un challenge pour l'entreprise".
"Nous avons dû inclure dans nos formations managériales des modules qui expliquent ces différences inter-générationnelles", reconnaît d'ailleurs le représentant de l'Oréal.
Pour autant, il ne cache pas son enthousiasme: "quand on creuse, malgré le casque sur les oreilles, malgré Facebook, etc., c'est une génération qui donne des signes de puissance assez extraordinaires", dit-il à l'AFP, citant "des valeurs d'optimisme" ou encore "un incroyable accès à l'information", et jugeant "extrêmement saine" leur incessante quête de sens.
"Nous, la génération Y, on l'a dans les murs", souligne de son côté, Céline Laurenceau, l'une des responsables en ressources humaines chez Accenture, dont plus de 55% des salariés en France ont moins de trente ans.
Selon elle, c'est une génération "très centrée sur son besoin" qui peut se résumer par quatre "i": "individualistes, interconnectés, innovants, impatients".
Ils sont "sensibles à la promesse tenue", note Mme Laurenceau, pour qui la principale problématique posée aux entreprises consiste à savoir "comment les attirer et comment les retenir".
Pour répondre à leur "besoin de sens", Accenture leur propose notamment d'effectuer des missions pour la fondation du groupe, sans impact sur leur carrière.
De son côté, Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines, assure qu'"il n'y a pas de Génération Y. C'est un faux objet".
Pour lui, "dire que les jeunes sont différents de leurs prédécesseurs est un réflexe vieux comme l'humanité".
Selon un sondage Ipsos publié récemment, 83% des personnes de 30 ans ou plus ont le sentiment que les jeunes d'aujourd'hui sont différents de ce qu'ils étaient au même âge, les décrivant notamment comme "égoïstes" (63%).
"Même si ça se base beaucoup sur des clichés, des généralités, il y a de vrais mouvements de fond", estime Benjamin Chaminade, qui propose une définition des "Y" basée plutôt sur un système de valeurs qu’une simple tranche d’âge.
"Tout le monde est plus ou moins perdu par rapport à ces changements de valeurs", note le créateur du site "GenerationY2.0".
Julien Pouget signale en passant que la génération suivante, baptisée "Z" par les experts du marketing, fait preuve d'une relation encore amplifiée avec les nouvelles technologies et est "vraiment dans le jeu tout le temps". Un défi sans doute encore plus grand à venir pour l'entreprise.