Accord ou non entre Orange et Bouygues (PA:BOUY), le grand gagnant de la partie de Monopoly en cours dans les télécoms pourrait être à chercher du côté de Free Mobile, qui a la possibilité de mettre la main sur les actifs qui lui conviennent pour un prix modique.
En début de semaine, l'opérateur historique et le groupe industriel ont confirmé des "discussions préliminaires" pour un rachat de Bouygues Telecom par l'ex-monopole, sans se fixer de délais car l'opération est complexe et passera obligatoirement par des cessions d'actifs pour Orange.
Xavier Niel et son groupe "Iliad (maison-mère de Free, NDLR) ont clairement le choix du roi, ils décident si le +deal+ peut se faire ou non. Qu'ils refusent de racheter certains actifs et c'est l'ensemble de l'accord qui tombe à l'eau", explique à l'AFP Stéphane Dubreuil, président de Stallych Consulting.
Mais il n'est pas certain que M. Niel accepte de réaliser l'opération dans les mêmes conditions que lorsqu'il avait été approché par Altice (AS:ATCE) en juin (quand le groupe avait proposé 10 milliards d'euros pour Bouygues Telecom), ni celles signées entre Iliad et Bouygues au printemps 2014.
"On avait alors parlé de 1,8 milliard d'euros" qui auraient pu être payés par Iliad "pour le réseau et les fréquences" de Bouygues Telecom, rappelle un analyste parisien. Bouygues cherchait alors à acheter SFR à Vivendi (PA:VIV) et devançait les remontrances de l'Autorité de la concurrence.
Si Iliad rachetait ce réseau, pour Free "ce serait environ deux ans de gagnés sur la 4G, sans doute plus sur la 3G, pour laquelle ils sont bien plus en retard. Et puis cela leur permettrait d'arrêter le contrat d'itinérance avec Orange, ce qui compenserait une partie de la somme investie pour récupérer le réseau de Bouygues Telecom", selon Sylvain Chevallier, spécialiste des télécoms et associé chez BearingPoint.
En revanche, pour le réseau de boutiques de Bouygues Telecom qu'Orange serait probablement amené à céder, "Free n'a pas une stratégie qui passe par de la vente physique, il faudrait donc trouver quelqu'un d'autre", note cet expert.
- Free moins en retard sur son réseau -
En outre, Xavier Niel peut faire la fine bouche car ses besoins en infrastructures sont moindres qu'il y a six mois, note M. Dubreuil: "Free a accéléré sur son réseau, ils ont beaucoup investi. Dans la situation, je pense donc que si Xavier Niel achète (le réseau de Bouygues Telecom, NDLR), ce sera à un prix particulièrement bas".
Sur les derniers mois, Free Mobile a aussi mis la main sur des lots de fréquences basses, via la vente de la bande des 700 MHz en novembre d'une part, et par la réallocation de plusieurs lots réalisée par l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) d'autre part.
Mais surtout, l'opérateur a profité de l'année pour pousser le déploiement de son réseau 4G, dépassant désormais Numericable-SFR en nombre de sites dédiés, selon des relevés de l'Agence nationale des fréquences (ANFR)
Et pour en récupérer le plus possible au meilleur prix, tout peut servir de monnaie d'échange pour Xavier Niel, y compris ses 15% d'option sur le capital de Telecom Italia, qu'il a récemment acquis, alors que l'opérateur italien est régulièrement cité parmi les cibles européennes d'Orange.
Un point de vue que défend l'analyste parisien, qui estime qu'"Orange, ainsi que Xaviel Niel, jouent une partie stratégique avec Bouygues Telecom d'une part et Telecom Italia de l'autre".
"Orange, tout comme Deutsche Telekom (DE:DTEGn) et Telefonica (MC:TEF), veulent devenir les trois gros opérateurs paneuropéens et il est de notoriété publique qu'Orange vise un opérateur historique, Telecom Italia, ou KPN aux Pays-Bas. M. Niel le sait et son entrée en Italie n'est pas anodine", estime cet expert qui a requis l'anonymat.
"Telecom Italia pourrait être une monnaie d'échange intéressante mais il n'est même pas certain que Xavier Niel en ait vraiment besoin, tant il est en position de force pour faire valider ou capoter un éventuel accord", nuance M. Dubreuil.
Si Free peut donc gagner gros, le grand perdant pourrait paradoxalement être Orange, selon Stéphane Dubreuil. "Le groupe devra à la fois gérer la question sociale et la revente à la découpe de Bouygues Telecom, sans aucun avantage si ce n'est l'élimination d'un concurrent, c'est faible au final".