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Le chocolatier qui voulait sauver l'amande française

Publié le 04/08/2014 07:33
Mis à jour le 04/08/2014 11:15
Le chocolatier qui voulait sauver l'amande française

Patrick Roger, chocolatier d'exception, "va chercher le meilleur là où il est". Et comme les amandes françaises, il n'en trouvait plus, il a tout simplement racheté 32 hectares de verger.

Artisan, meilleur ouvrier de France, artiste, il sculpte des ours polaires pour alerter de leur disparition; et rachète des amandiers français pour stopper l'hémorragie d'une production déclinante et ultra-confidentielle.

Car pour lui, "on n'a jamais trouvé une amande espagnole ou californienne du niveau de la française". Avec ses cheveux longs, sa barbe en bataille et ses bottes de motard, on ne dirait pas comme ça mais Patrick Roger est une vraie princesse au petit pois.

Dans une pâte d'amande, il suffit d'une amande amère pour que son palais sursaute. "Il me faut des amandes avec un goût stable". Il lui faut de la française.

Les cinq variétés tricolores toujours cultivées en France et toutes développées par la recherche publique (Inra) "sont plus claires et plus croquantes que les Californiennes qui ont un goût de carton. Elles ont beaucoup plus de mâche avec tout de suite la pâte d'amande qui se forme", complète Hervé Bartelt, directeur de la coopérative Sud Amandes, qui collecte 80% de la production nationale.

Problème: elles sont très difficile à trouver. Selon diverses données recoupées auprès de plusieurs sources du secteur, la production française ne dépasse pas les 700 tonnes d'amandes non décortiquées quand la demande en France atteint facilement les 20/25.000 tonnes.

Dans ces conditions, les deux premiers producteurs mondiaux --la Californie qui produit à elle seule plus de 700.000 tonnes (source Onu/FAO datant de 2011) et l'Espagne-- alimentent allégrement le marché français.

"En France, la production a toujours été confidentielle en raison d'une mauvaise maîtrise technique et d'un manque de structuration de la filière", raconte Hervé Bartelt.

- Du nougat aux amandes californiennes -

Les arboriculteurs ont toujours eu quelques amandiers au fond du jardin mais très peu d'exploitations sont spécialisées en amandes. Et aujourd'hui les vergers meurent au rythme des départs en retraite des agriculteurs et la situation devient "catastrophique".

C'est pour ça que Patrick Roger a racheté sur un coup de tête 10 hectares d'amandiers à Portel-des-Corbières dans l'Aude en 2011, puis 22 hectares à Trouillas dans les Pyrénées-Orientales en mai dernier.

"Il n'y a pas un abruti qui va mettre 500.000 euros pour acheter des amandiers alors qu'avec cette somme là je peux avoir de la pâte d'amande pendant 10 ans mais si demain, on veut continuer à sublimer, il faut s'engager".

De quoi récolter 30 à 60 tonnes par an et alimenter sa chocolaterie et trois de ses cinq "couleurs primaires": les pralinés, la pâte d'amande et l'amande enrobée. Et au passage, ce petit-fils d'agriculteur espère bien mettre un coup de projecteur sur une production qui meurt à petit feu.

"On a besoin de gens comme Patrick Roger pour dynamiser la filière, les producteurs ont besoin de reconnaissance pour se motiver", abonde Hervé Bartelt qui en veut beaucoup aux industriels de l'agroalimentaire d'avoir longtemps privilégié l'amande étrangère.

"Moi j'ai un seul nougatier à Montelimar qui m'achète des amandes Made in France et même Ladurée s'approvisionne à l'étranger", se désole le patron de Sud amandes. Interrogée par l'AFP, la maison de macarons, propriété du Groupe Holder, confirme utiliser uniquement des amandes californiennes, la France ne pouvant pas satisfaire ses besoins.

Mais les temps changent. Notamment parce que l'amande française, vendue décortiquée 9 euros le kilo en moyenne n'est plus si chère. La sécheresse en Californie et l'augmentation de la demande internationale ont en effet fait flamber les cours de 70% en deux ans, à 6,80 euros le kilo.

De quoi redonner un peu de souffle à la filière, qui espère renaître de ses cendres. Les producteurs ont entamé une démarche pour obtenir le Label Rouge, "peut-être en 2016", veut croire Hervé Bartelt.

Et surtout, les arboriculteurs recommencent à planter, "40 hectares par an, c'est déjà ça", conclut-il.

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