par Francesco Guarascio et John Chalmers
STRASBOURG (Reuters) - La Commission européenne a proposé mercredi un nouvel ensemble de sanctions contre la Russie, d'une ampleur inédite, pour l'offensive lancée par Moscou en Ukraine, mais plusieurs pays du bloc inquiets de l'impact d'un embargo sur les importations de pétrole russe font peser un doute sur la conclusion d'un accord des Vingt-Sept.
Annoncées par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les nouvelles mesures proposées comprennent l'exclusion de nouvelles banques russes du réseau interbancaire SWIFT et l'interdiction de diffusion de médias russes en Europe, ainsi qu'un embargo, dans six mois, sur le pétrole russe.
La question du pétrole russe est délicate, alors que l'Union européenne importe quotidiennement quelque 3,5 millions de barils de brut et d'autres produits pétroliers en provenance de Russie, tout en étant dépendante des livraisons de gaz russe.
Une poignée de pays d'Europe de l'Est craignent de ne pas disposer de suffisamment de temps pour s'adapter à une suspension des livraisons de pétrole russe, même si des diplomates ont indiqué que la Hongrie et la Slovaquie disposeront d'un délai prolongé jusqu'à fin 2023.
Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a déclaré via Facebook (NASDAQ:FB) que Budapest pourra seulement donner son accord aux sanctions européennes si les importations de pétrole russe en sont exclues.
La Hongrie, dont le Premier ministre Viktor Orban entretient des liens étroits avec Moscou, a importé de Russie plus de la moitié de son pétrole et de ses produits pétroliers l'an dernier, selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Pour leur part, la Slovaquie a demandé une période de transition de trois ans et la République tchèque, un délai de deux à trois ans.
INQUIÉTUDES
Les réticences au sein de l'UE à prendre des mesures impactant les économies du bloc de même que la Russie se sont dissipées, au cours des dernières semaines, avec la multiplication d'images de massacres dans des villes ukrainiennes et la crainte d'une offensive russe renforcée dans l'Est ukrainien.
Symbole de la colère qui prévaut au sein du bloc à l'égard de l'invasion lancée par le président russe Vladimir Poutine - une offensive que Moscou qualifie d'"opération militaire spéciale" -, Ursula von der Leyen a déclaré que la Russie devait être punie.
"Poutine doit payer le prix, et le prix fort, pour son agression brutale" contre l'Ukraine, a-t-elle dit devant le Parlement européen réuni à Strasbourg.
"Aujourd'hui, nous allons proposer de bannir d'Europe tout le pétrole russe", a-t-elle ajouté, sous les applaudissements, lors d'un discours de présentation des mesures proposées par la Commission.
Ce nouvel ensemble de sanctions, qui doit être approuvé à l'unanimité des Vingt-Sept pour entrer en vigueur, prévoit notamment l'arrêt progressif des importations pétrolières russes dans six mois. Il s'agit d'une mesure similaire à celles prises par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, avec l'objectif de couper l'une des principales sources de revenus de la Russie.
Bulgarie, Hongrie, Slovaquie et République tchèque ont exprimé leurs inquiétudes sur un embargo sur le pétrole russe lors d'une réunion des ambassadeurs de l'UE mercredi, a fait savoir une source, ajoutant cependant qu'un accord pourrait être trouvé d'ici la fin de semaine.
PLAN D'AIDE À LA RECONSTRUCTION DE L'UKRAINE
Outre le pétrole, le nouveau train de sanctions proposé par la Commission vise également le secteur bancaire russe, avec l'exclusion du réseau interbancaire SWIFT de Sberbank, première banque russe, et de deux autres groupes bancaires "systémiques" russes.
Il s'agirait de Credit Bank of Moscow et Russian Agricultural Bank, ont dit à Reuters deux sources européennes.
"Cela va renforcer l'isolement complet du système financier russe du système mondial", a souligné Ursula von der Leyen.
Aucun commentaire n'a été obtenu auprès de Sberbank, qui avait déclaré par le passé à propos des sanctions européennes que celles-ci n'auraient pas un impact important sur ses opérations.
Par ailleurs, de nouveaux responsables militaires russes de haut rang vont être ajoutés à la "liste noire" des personnalités ciblées par des sanctions individuelles, sous forme d'interdiction d'entrée sur le territoire européen et de gels d'avoirs, a indiqué la présidente de la Commission.
Trois chaînes de télévision publiques russes vont être interdites de diffusion dans l'espace européen, a-t-elle dit aussi. Selon des diplomates, il s'agit de RTR-Planeta et R24.
Ursula von der Leyen a proposé le lancement d'un vaste programme d'aide à la reconstruction de l'Ukraine après la guerre.
"A terme, ce plan permettra d'ouvrir la voie à un futur de l'Ukraine au sein de l'Union européenne", a-t-elle dit.
Les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l'Union européenne devraient se réunir d'ici à la fin de la semaine pour se prononcer sur ce nouveau train de sanctions.
* Voir aussi :
L'UE cible le patriarche orthodoxe russe dans ses propositions de sanction - diplomate
(avec Jan Strupczewski, Kate Abnett, Benoit Van Overstraeten, Sabine Siebold et Gabriela Baczynska; version française Myriam Rivet et Jean Terzian, édité par Tangi Salaün et Jean-Michel Bélot)