PARIS (Reuters) - Les députés français ont maintenu mardi le "verrou de Bercy", un dispositif qui réserve à l'administration le monopole des poursuites pénales en matière de fraude fiscale, sauf accord du ministère de l'Economie.
Le Sénat, où la droite est majoritaire, avait adopté à l'unanimité - dans le cadre de l'examen des textes relatifs à la moralisation de la vie publique - un amendement qui levait en partie ce verrou mais l'Assemblée en a décidé autrement.
Les opposants à ce "verrou" affirment qu'il porte "une atteinte certaine" à l'égalité des citoyens devant la justice".
A l'exception de La République en marche (LREM), qui dispose à elle seule de la majorité absolue, tous les groupes étaient favorables à sa suppression.
Eric Coquerel (La France insoumise) a critiqué cette disposition "injuste et inefficace" tandis que Charles de Courson (du groupe constructif de droite) a regretté que le rendement fiscal "des gros contribuables" soit préféré "à l'égalité devant la justice fiscale".
Fabien Roussel (PC) a lui aussi jugé que ce "verrou de Bercy" était un "cadeau aux gros contribuables comme Google" ayant la possibilité de négocier avec Bercy en cas de redressement fiscal.
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a qualifié "d'extrêmement délicat" cette procédure du "verrou", a soutenu la proposition de la présidente de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), de mettre en place dans les jours qui viennent une mission d'information et d'évaluation sur ce sujet qui rendra ses conclusions vers la fin de l'année.
La ministre a rappelé que le Conseil constitutionnel avait confirmé, en juillet 2016, que les poursuites pénales en matière de fraude fiscale ne pouvaient avoir lieu qu'avec l'aval de l'administration fiscale. Pour qu'une plainte soit recevable, elle doit être validée par la Commission des infractions fiscales (CIF) qui siège à Bercy. "
LES ELUS POURRONT AVOIR UN CASIER JUDICIAIRE
Le Conseil avait justifié le maintien de cette disposition en précisant que "la mise en mouvement de l'action publique pour la répression de certaines infractions fiscales" est subordonnée "au dépôt d'une plainte préalable par l'administration".
Les députés ont aussi voté de nouvelles sanctions dans le cas d'atteinte à la probité par les élus et, à la demande du gouvernement, ont finalement abandonné, craignant un "risque d'inconstitutionnalité", l'obligation d'un casier judiciaire vierge de toute condamnation pour les candidats à une élection.
Les textes de moralisation de la vie publique comportent des mesures visant à mettre un terme aux conflits d'intérêts, à interdire les emplois familiaux pour les élus nationaux ou non et les membres du gouvernement.
Ils prévoient un nouveau dispositif de prise en charge des frais de mandat parlementaire qui remplacera l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et la suppression progressive de la réserve parlementaire dont bénéficient députés et sénateurs pour aider des collectivités ou des associations.
Le président du groupe LR, Christian Jacob, a averti mardi que la suppression de cette réserve parlementaire qui, a-t-il dit, transformera les parlementaires en "élus hors-sol", entraînera un vote négatif de son groupe lors du scrutin sur l'ensemble des deux projets de loi.
Devant le flot d'amendements, l'examen des deux textes et les votes dans la foulée qui devraient intervenir jeudi soir se poursuivront vendredi.
Le gouvernement ayant décidé d'utiliser la procédure accélérée, qui permet de réduire le nombre de navettes entre les deux assemblées, une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat sera convoquée dans la foulée pour tenter de mettre au point des textes communs aux deux chambres.
Ces derniers devraient être définitivement adoptés début août par le parlement, l'Assemblée ayant constitutionnellement le dernier mot en cas de désaccord avec le Sénat.
(Emile Picy, édité par Yves Clarisse)