La chaîne de hard discount Leader Price vient d'être condamnée à verser 300.000 euros de dommages et intérêts à Carrefour pour une publicité comparative aux "slogans trompeurs", une pratique publicitaire qui reste encore mal perçue en France.
Carrefour n'a en revanche pas obtenu les neuf millions demandés, le tribunal de Commerce de Paris estimant que l'évaluation du préjudice, établie en fonction du coût d'une contre-campagne était, "peu argumentée".
Dans sa décision de mardi, le tribunal reconnaît une "concurrence déloyale" et un slogan "trompeur" dans la campagne publicitaire lancée en avril 2010 et intitulée "Leader Price le moins cher". Il interdit aussi "de manière définitive" la reprise de cette campagne qui visait également le distributeur Leclerc.
Dans la presse écrite, Leader Price proclamait: "Chers concurrents, très chers concurrents, merci de prouver chaque jour que nous sommes les moins chers". Il reproduisait ensuite trois tickets de caisse des trois enseignes avec un chariot de 49 articles, ceux de Carrefour et Leclerc étant plus élevés de 20 à 30%.
De même son prospectus affichait une comparaison de trois chariots affichant des écarts de prix conséquents.
La justice a considéré que le chariot de 49 produits cités par Leader Price ne comportait en fait qu'une trentaine de catégories de produits qui ne pouvaient "en aucun cas" être considérés comme "représentatifs de la consommation des ménages".
Carrefour s'est déclaré "satisfait de cette décision", soulignant que Leader Price avait utilisé "des slogans trompeurs, induisant le consommateur en erreur".
"Nous contestons cette lecture", a réagi Leader Price, estimant que cette décision vient "confirmer la validité de notre campagne de publicité comparative". Le distributeur souligne que "Carrefour demandait 9 millions de dommages et en réalité ils ont eu 300.000 euros".
Car le tribunal a écarté l'argument de Carrefour selon lequel Leader Price aurait dû comparer les prix de ses produits à ceux de sa marque Carrefour Discount dont la qualité et les prix sont plus bas. La justice a estimé qu'il n'y avait pas "d'éléments probants".
Sur le préjudice subi par Carrefour, le tribunal n'a pas non plus retenu le caractère trompeur de la campagne sur les prix, ni un caractère dénigrant.
Cette décision intervient dans un contexte de guerre commerciale entre le hard discount et la grande distribution classique.
Le hard discount tente de nouvelles recettes pour regagner le terrain perdu, confronté à un sérieux coup de frein après des années d'euphorie laissant penser que ce concept pourrait connaître en France le même succès qu'en Allemagne, où les Aldi et autres Lidl occupent près de 45% du marché.
Lors de la période de douze mois achevée mi-juin, la part de marché du hard discount a reculé en France de 0,3 point à 14%, selon des chiffres de Kantar Worldpanel.
Ce procès est l'une des nombreuses procédures engagées depuis que la publicité comparative a pris son essor en Europe au début des années 2000, assez timidement en France où elle reste mal perçue par le public.
Leclerc avait fait grand bruit en 2006 en lançant un premier site internet "comparateur de prix" de différentes enseignes qui avait été interdit par la justice, à la demande de Carrefour et d'Auchan.Carrefour était revenu à la charge pour la seconde version du site, mais n'a pas eu gain de cause.