par Mirwais Harooni et Jessica Donati
KABOUL (Reuters) - Kaboul a été le théâtre vendredi d'une série d'attaques suicides et d'attentats à la bombe qui ont fait plus de cinquante morts et des centaines de blessés et assombri les perspectives de négociations avec les taliban.
Cette vague de violences a débuté par l'explosion d'un camion piégé dans la nuit de jeudi à vendredi et s'est achevée vingt-quatre heures plus tard environ par des affrontements sur une base des forces spéciales américaines.
La capitale afghane n'avait plus connu de journée aussi meurtrière depuis des années. Elle intervient un peu plus d'une semaine après la nomination d'un nouveau chef à la tête des taliban, le mollah Akhtar Mohammad Mansour, et semble condamner toute reprise à court terme des pourparlers de paix entre le mouvement islamiste et le gouvernement du président Ashraf Ghani.
Toute la nuit et jusque dans la matinée de samedi, des avions de combat et des hélicoptères des forces de sécurité ont survolé la capitale afghane, où des secteurs entiers ont été bouclés.
Un porte-parole des taliban a revendiqué une des attaques les plus sanglantes dans la soirée, celle d'un kamikaze contre une école de police. D'après un responsable de la police afghane s'exprimant sous couvert d'anonymat, l'attentat suicide a fait au moins 26 morts et 28 blessés.
Le kamikaze portait un uniforme de la police. Il a déclenché ses explosifs au milieu des élèves policiers.
Peu après, deux explosions ont retenti dans un secteur situé au nord de l'aéroport de Kaboul, près de Camp Integrity, une base des forces spéciales américaines, immédiatement suivis par des tirs des assaillants. Là encore l'attaque a été revendiquée par les taliban.
Un soldat de l'Otan et deux assaillants sont morts dans les affrontements, a déclaré le colonel Brian Tribus, un officier américain, directeur des relations publiques pour la mission de l'Otan "Resolute Support" en Afghanistan.
Neuf civils travaillant en sous-traitance ont également été tués dans cette attaque. Des blessés ont été évacués par hélicoptère durant la nuit.
Cette vague d'attentats et d'attaques, dont le bilan pourrait encore s'alourdir, avait débuté dans la nuit de jeudi à vendredi par l'explosion d'un camion piégé près d'un site militaire dans le quartier fortement peuplé de Shah Shadid.
Sous la violence de l'explosion, un cratère de dix mètres s'est creusé dans la chaussée et des bâtiments ont été réduits en ruine. Les autorités font état pour l'heure de 15 morts et 248 blessés, mais des corps pourraient encore être pris au piège sous les gravats.
Les taliban ne se sont pas attribué la responsabilité de cette attaque, qui a majoritairement tué des civils surpris dans leur sommeil.
5.000 CIVILS TUÉS EN SIX MOIS
"L'attaque de la nuit dernière est un attentat terroriste lâche contre des civils", a déclaré à la presse le porte-parole du président Ashraf Ghani, Sayed Zafar Hashemi, qui s'exprimait avant l'attentat suicide contre l'école de police.
Il s'agit des premiers attentats majeurs commis dans la capitale afghane depuis que les taliban ont confirmé la mort de leur chef suprême, le mollah Mohammad Omar, et annoncé la nomination du mollah Akhtar Mansour la semaine dernière.
"Certains espéraient que la mort du mollah Omar plongerait les taliban dans le désarroi et pourrait même les affaiblir. C'était un peu trop optimiste", estime Thomas Ruttig, de l'Afghanistan Analysts Network. "Reste la question: qui envoie ce message ?", ajoute-t-il.
Pour l'analyste, en effet, il n'est pas certain que Mansour ait ordonné cette vague d'attaques d'une rare ampleur contre la capitale afghane. Elle pourrait être l'oeuvre de factions insurgées s'opposant à sa nomination et décidées à mettre en échec toute perspective de négociations avec le gouvernement.
A moins, ajoute-t-il, que le successeur du mollah Omar ait cherché par ce moyen à adresser un message de détermination tant aux autorités afghanes qu'aux taliban.
La guerre entre les taliban et le gouvernement afghan s'est intensifiée depuis la fin de la mission de combat de l'Otan à la fin de l'année dernière et le retrait de la plupart des troupes étrangères.
Près de 5.000 civils ont été blessés ou tués entre janvier et juin 2015, selon les Nations unies.
Selon les estimations du général John Campbell, commandant américain des forces étrangères encore présentes dans le pays, les forces de sécurité afghanes perdent chaque mois quelque 4.000 membres, déserteurs ou victimes des combats.
(Pierre Sérisier, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)