Le transport aérien se développera-t-il impétueusement d'ici à 2050 suivant la plupart des projections de trafic, ou les avions seront-ils cloués au sol par une énergie trop chère et trop rare? Spécialistes français et européens s'interrogent.
L'Académie de l'air et de l'espace (AAE) française a réuni mercredi et jeudi à Toulouse 200 techniciens réputés sur le thème "Comment volerons-nous en 2050?", avec pour objectif de sortir début 2013 un rapport sur les perspectives techniques, économiques et commerciales du secteur, dans un environnement géopolitique sûrement bouleversé.
Alain Garcia, ancien directeur général technique d'Airbus et vice-président de l'AAE, trace les contours d'une version rose de l'histoire: "Il va y avoir un triplement de la demande de transport par avion. Mais grâce à l'amélioration de l'efficacité des avions (taille, rayon d'action), cela se traduira simplement par un doublement du trafic, et par une demande de carburant en hausse de seulement 60 à 80% par rapport à aujourd'hui grâce aux progrès faits sur les moteurs et l'aérodynamique".
Les défis sont pourtant majeurs pour trouver ce carburant car les études produites au colloque ont montré que la réserve de pétrole disponible baissera à partir de 2030-2035, et tous sont tombés d'accord pour dire qu'il n'y aura "pas de révolution technologique d'ici à 2050".
"Le moteur à hydrogène, ou nucléaire, est un rêve à la Hergé, la propulsion électrique peut être envisagée pour les tout petits avions. Mais sur les avions de transport, les moteurs électriques serviront essentiellement aux autres usages" (éclairage, climatisation, loisirs), prédit Denis Maugars, président de l'organisme public de recherche aéronautique ONERA.
"Pour longtemps encore on ne pourra faire décoller un avion qu'avec du kérosène, mais pas forcément à base de pétrole fossile", ajoute-t-il.
Eviter une crise majuscule
Pour éviter une "crise majuscule" à l'horizon 2035, résume Alain Garcia, "il faudra être prêt dès 2020 à lancer la production industrielle de biocarburants, à la fois performants en termes d'émissions de CO2 et respectant les surfaces agricoles destinées à l'alimentation".
"On a connu des échecs ces dix dernières années dans ce domaine, mais il va falloir choisir. On a huit ans pour se décider", prévient-il.
Scientifiques, constructeurs et motoristes ont mis l'accent au colloque sur l'urgence à développer les moteurs et les architectures des avions futurs dans un secteur où les produits ont une durée de vie de 30 à 40 ans.
"80% des Airbus A380 voleront encore en 2050", fait observer M. Maugars, et les A320 Néo et Boeing 737 Max seront encore là. La majorité des avions ressembleront encore beaucoup à ceux d'aujourd'hui, mais il faut vite préparer la relève, selon les participants.
La solution la plus prometteuse pour 2025 est celle des moteurs open rotors, associant un réacteur à une très grande hélice rapide à l'arrière des avions et permettant une économie de 40%, selon M. Maugars.
Une étude menée par l'ONERA avec ses homologues européens de l'EREA estime par ailleurs que l'architecture la plus envisageable pour les avions du futur sacrifierait le fuselage pour accueillir les passagers au sein d'une aile volante gigantesque.
Les participants au colloque ont souligné qu'il faudrait en outre faire feu de tout bois pour améliorer la gestion du trafic aérien, notamment par guidage satellitaire, et pour limiter la congestion aéroportuaire afin d'éviter l'embolie du système.