L'ancien trader de la banque française Société Générale Jérôme Kerviel a dit mercredi son sentiment de "payer pour tout le monde", au lendemain de sa lourde condamnation, qui suscitait l'indignation de la presse et des marques de soutien sur internet.
"Je suis quand même abattu par le poids de la sanction et par le poids des responsabilités que le jugement me fait porter", a réagi sur la radio Europe 1 l'ex-trader, condamné mardi à cinq ans de prison, dont trois ferme, et à d'énormes dommages-intérêts de 4,9 milliards d'euros, montant de la perte subie par son ancien employeur, la Société Générale.
Blême au moment du jugement mardi, Jérôme Kerviel s'était abstenu de tout commentaire et avait quitté rapidement le tribunal.
"J'ai vraiment le sentiment qu'on a voulu me faire payer pour tout le monde et qu'il a fallu sauver la (Société) Générale et qu'on a tué le soldat Kerviel", a poursuivi le jeune homme de 33 ans.
L'ancien trader, qui a fait appel du jugement, était jugé pour avoir pris sur les marchés financiers des positions spéculatives de dizaines de milliards d'euros, dissimulées à l'aide d'opérations fictives et de fausses écritures. Le tribunal a totalement exonéré la Société Générale, alors que Kerviel affirmait que sa hiérarchie l'avait laissé faire, voire encouragé à prendre des risques.
Découverte au début 2008, la perte abyssale de près de 5 milliards d'euros avait précédé de quelques mois la crise financière et Jérôme Kerviel était devenu l'un des emblèmes de la dérive des marchés.
"On n'a probablement pas su expliquer et éclairer le tribunal", a-t-il reconnu mercredi. Jérôme Kerviel a fait appel du jugement et, lors de son deuxième procès, il veut "apporter la preuve une fois pour toute que je n'étais pas seul dans ce bateau-là".
"Dès le début de l'enquête j'ai reconnu ma part de responsabilité", a ajouté Jérôme Kerviel. "Je n'ai pas du tout eu le sentiment pendant le procès d'avoir été arrogant, (...) cynique encore moins", a-t-il assuré, en réponse à une critique qui a été régulièrement formulée contre lui.
Jérôme Kerviel, qui au début de son procès en juin s'était présenté comme consultant informatique gagnant 2.300 euros par mois, a été condamné à des dommages-intérêts les plus élevés jamais infligés à un particulier en France. Compte tenu de ses revenus, il faudrait 170.000 ans à l'ex-trader pour s'en acquitter.
"C'est une mort civile, c'est une mort pécuniaire", a déclaré son avocat Me Olivier Metzner, également sur la radio Europe 1. "La crise financière n'est pas due à Kerviel, la crise financière est due à la création de produits virtuels", a-t-il martelé.
Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a de son côté estimé que la Société Générale, responsable du recouvrement de ces réparations, pourrait "peut-être" faire un geste et épargner son ancien employé.
L'ancien trader a assuré recevoir des "tonnes" de messages de soutien. Sa très sévère condamnation a suscité de nombreuses réactions, et la réprobation de la presse française qui s'étonne que la Société Générale soit ainsi lavée de toute responsabilité.
"Jérôme Kerviel. Le jugement absurde", s'indignait mercredi le journal populaire France-Soir. "Le seul coupable?", s'interrogeait le journal de gauche Libération, estimant que "le lampiste de la crise financière supporte seul ou presque l'opprobre encouru par les démiurges de l'économie-casino".
Le jugement a aussi suscité des commentaires critiques sur internet, où certains ont vu dans l'ancien trader la "victime expiatoire d'un système", celui des banques.
Sur le site de microblogging Twitter, les internautes ont été nombreux à publier la décision de justice et se sont répandus en commentaires sur la condamnation qu'ils jugent souvent extrêmement sévère.